La régularisation en droit public n’a jamais autant été d’actualité. Construction prétorienne depuis la jurisprudence « Rodière » du 26 décembre 1925, cette volonté de sauver a posteriori la légalité d’un acte est désormais aussi législative. En cours d’adoption, le projet de loi « pour un Etat au service d’une société de confiance » va encore plus loin en la matière : il généralise le droit à l’erreur au bénéfice de l’administré. Il n’en fallait pas moins au Conseil d’Etat et au Conseil national des barreaux pour consacrer les états généraux du droit administratif le 21 juin dernier aux thèmes « droit à l’erreur, régularisation et office du juge ».
Souci de sécurité juridique
Et la première question soulevée en cette journée du 21 juin a concerné l’objectif visé par le juge lorsqu’il s’adonne à la régularisation d’un acte administratif dont il est saisi, souvent pour suspicion d’illégalité. En effet, pourquoi le juge veut-il repêcher un acte qu’il pourrait annuler ? Certains auront le réflexe d’expliquer cette gestion prétorienne par le désir de favoriser l’administration. Mais ce serait oublier que l’acte de l’administration est toujours pris dans l’intérêt général. L’objectif de cette inclinaison du juge serait-elle alors un outil pour réguler les flux contentieux ?
L’inclinaison du juge administratif envers la régularisation est justifiée par un souci croissant de sécurité juridique.
« Une erreur » selon le jeune retraité de la section du contentieux du Conseil d’Etat, le président Bernard Stirn, qui rappelle que « les décisions de régularisation ne ferment pas le prétoire mais indiquent juste les règles du jeu ». Selon ce dernier, l’inclinaison du juge administratif envers la régularisation est justifiée par un souci croissant de sécurité juridique : « les menaces d’insécurité juridique sont plus importantes que par le passé, du fait notamment de la multiplication des normes et de leur complexité ».
Vers un droit à l’erreur généralisé
Les huitièmes états généraux du droit administratif ont vu se succéder à la tribune de nombreux praticiens qui partageaient le même constat : la régularisation a désormais gagné le législateur. En effet, ce mouvement jurisprudentiel connaît depuis plusieurs années des consécrations législatives. Pour ne garder que la plus significative : la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite « Alur ») qui, en introduisant dans le code de l’urbanisme l’article L.600-9, donne au juge administratif la faculté de surseoir à statuer pendant un délai déterminé et au cours duquel l’autorité administrative est tenue de régulariser les illégalités entachant le schéma de cohérence territoriale attaqué.
En consacrant prochainement un droit à l’erreur généralisé au bénéfice de l’administré, c’est tout un changement de paradigme qui va s’opérer.
Mais le législateur semble franchir une ultime étape en matière de régularisation. En consacrant prochainement un droit à l’erreur généralisé au bénéfice de l’administré, c’est tout un changement de paradigme qui va s’opérer. Le nouveau vice-président du Conseil d’Etat, Bruno Lasserre, l’a notamment très bien expliqué lors de la journée du 21 juin : « Le droit à l’erreur implique une présomption de bonne foi de l’administré. L’administration devra désormais lui faire confiance et, le cas échéant, prouver la mauvaise foi du citoyen. » Une régularisation a priori, en quelque sorte.
Références
Domaines juridiques