« Se positionner en faveur de la gratuité de la cantine scolaire pour les plus démunis, c’est une façon d’agir sur la santé des enfants mais également d’assurer l’égalité à l’école. » Le constat est signé du député LREM Gaël Le Bohec qui a déposé une proposition de loi pour permettre la gratuité de la cantine scolaire de la maternelle au lycée aux plus modestes.
SignĂ©e par 39 dĂ©putĂ©s de la majoritĂ© dont le prĂ©sident de la commission des affaires culturelles et de l’Ă©ducation, Bruno Studer, et le rapporteur gĂ©nĂ©ral de la commission des finances, JoĂ«l Giraud, elle se fonde notamment sur un rapport du Conseil national d’évaluation du système scolaire.
Une facture dissuasive pour les plus modestes… mais pas seulement
Ce dernier met en avant la façon dont l’accès à la cantine scolaire peut être un facteur de réussite scolaire. Ainsi, 40% des enfants des familles défavorisées ne mangent pas à la cantine contre 17% des élèves issus de familles de catégories socioprofessionnelles supérieures. Pourtant, l’accès à la cantine scolaire et le fait de pouvoir manger à sa faim chaque midi conditionne la réussite à l’école.
Pourquoi un tel Ă©cart ? A cause du prix des repas, en moyenne de 3,30 euros dans les Ă©coles primaires. Un coĂ»t qui dĂ©passe donc la centaine d’euros chaque mois et qui peut s’avĂ©rer dissuasif pour les familles les plus pauvres. « Mais au-delĂ de territoires particulièrement fragiles, des enseignants de ma circonscription m’ont racontĂ© qu’il y a de plus en plus d’élèves qui attendent devant la grille de l’école pendant le repas du midi… » remarque le dĂ©putĂ© de l’Ille-et-Villaine, GaĂ«l Le Bohec.
Un droit Ă la cantine obligatoire
Pourtant, la loi EgalitĂ© et citoyennetĂ© votĂ©e en fĂ©vrier 2017 garantit dĂ©jĂ l’accès de tous les enfants Ă la cantine scolaire. L’obligation a d’ailleurs Ă©tĂ© rappelĂ©e par le tribunal administratif en dĂ©cembre dernier alors que la ville de Besançon refusait d’y inscrire un Ă©lève.
Face Ă cette rĂ©alitĂ© et aux communes qui traĂ®nent des pieds pour inscrire certaines familles – craignant parfois les impayĂ©s -, la proposition de loi vise Ă gĂ©nĂ©raliser une tarification progressive comportant un minimum de cinq tranches. Ce barème permettrait d’accorder la gratuitĂ© aux familles dont le revenu fiscal de rĂ©fĂ©rence est infĂ©rieur ou Ă©gal au seuil de pauvretĂ©.
3 millions d’enfants concernĂ©s
Concrètement, les couples avec un enfant dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 19 500 euros par an seraient concernés par cette réforme ou encore une famille monoparentale avec un enfant qui gagne moins de 15 600 euros par an. Loin d’être un phénomène marginal, plus de 3 millions d’enfants sont directement concernés.
« La majorité des communes applique déjà un barème progressif » reconnaît toutefois le parlementaire. Par exemple, en Île-de-France, la Région a mis en place une tarification allant de 1,50€ à 4€ par repas dans les lycéens.
Mais « 30% des communes » proposent un tarif unique, et ce peu importe les revenus de la famille, remarque le dĂ©putĂ©. Et seuls 42 dĂ©partements proposent une tarification qui s’adapte aux situations familiales pour calculer le coĂ»t d’un repas d’un lycĂ©en.
La gratuité dans les cantines de plus en plus rare
Le parlementaire rappelle Ă©galement que la pratique de la gratuitĂ© tend Ă rĂ©gresser, citant l’exemple de Toulouse. Dans la ville rose, 7 000 familles très modestes, qui bĂ©nĂ©ficiaient de la gratuitĂ© depuis 2009, doivent depuis la rentrĂ©e 2015 acquitter 1,10 € par repas. Le maire, Jean-Luc Moudenc (LR) a justifiĂ© cette dĂ©cision pour maintenir le niveau d’investissement en dĂ©pit de la baisse des dotations.
« Appliquer la gratuitĂ© pour les enfants de familles pauvres est affaire d’arbitrage budgĂ©taire, de choix entre diffĂ©rentes actions municipales. Or, parmi ces actions, l’accès Ă la restauration scolaire doit rester une prioritĂ© » insiste le texte de la proposition de loi.
Si Gaël Le Bohec se montre très optimiste et souhaite une mise en place de ce système à la rentrée prochaine, la proposition n’est pas encore à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale qui fait déjà face à un agenda très chargé.
Par ailleurs, les modalitĂ©s de financement restent encore floues. Si le dĂ©putĂ© Ă©voquait il y a quelques semaines encore une augmentation de la dotation globale de financement pour compenser le manque Ă gagner des communes, les lignes semblent avoir bougĂ©es. « Nous ne voulons pas crĂ©er une Ă©nième usine Ă gaz et nous travaillons en ce moment sur le sujet avec Bercy via une Ă©tude d’impact » explique-t-il.
Aucune obligation pour les collectivités
Mais que les communes se rassurent. « Le système se veut incitatif et aucune collectivitĂ© ne sera obligĂ© de passer Ă une tarification par barème » insiste le dĂ©putĂ©. Le texte de la proposition de loi se veut mĂŞme encore plus clair : « La proposition de loi revĂŞt une dimension financièrement incitative et ne constitue pas une remise en cause du principe constitutionnel de libre administration des collectivitĂ©s territoriales. »
Autre frein Ă l’adoption rapide de cette proposition de loi : la chambre haute « Le SĂ©nat risque de rechigner Ă adopter une mesure qui pourrait alourdir un peu plus les charges des collectivitĂ©s, et donc de retarder l’entrĂ©e en vigueur de la proposition de loi » remarque LCP.
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