« Les agents se dorent la pilule », « le climat pousse à l’indolence ». Dans son numéro de février 2011, le mensuel Capital accrédite la thèse de Zoé Shépard du territorial fainéant, chiffres à l’appui, extraits de rapports des Chambres régionales des Comptes de différentes années :
- 44 jours de congés maladie par agent et par an à Bastia,
- 41 à Montpellier,
- 32 à Périgueux,
- 19 à Nantes.
Les chiffres « sont peut-être un peu anciens mais ils ne sont pas pour autant dépassés », nous a expliqué l’enquêteur.
Amalgame entre les congés – Mais des données extraites de rapports établis sur des périodes différentes, à des années différentes, peuvent-elles rendre compte du phénomène ?
De surcroit, de quoi parle-t-on ? S’agit-il d’évoquer les absences pour raison de santé (1) qui rassemblent :
- maladie ordinaire,
- longue maladie,
- congés maternité, paternité,
- accidents du travail.
Ou bien les seuls congés pour maladie dite « ordinaire » ?
Pris un par un, les chiffres cités par Capital ne sont pas faux. Ainsi, dans le dernier rapport de la CRC du Languedoc-Roussillon, on retrouve l’estimation mise en avant par le magazine : « 41,7 jours d’absence » à Montpellier. Cependant, il faudrait préciser qu’elle vaut pour « toutes causes confondues » et qu’en « ne prenant en compte que les arrêts maladie, le nombre de jours d’absence annuel est de 20 jours ».
Pour Périgueux, le rapport de la CRC Aquitaine met en évidence « une moyenne de 23,7 jours en 2005 et de 24,7 jours en 2006 ». « Les congés ordinaires pour maladie représentent 44 % du total 2005 », souligne le document. Ce qui en aucun cas ne permet de conclure à une moyenne de 32 jours.
Le contexte – « L’approche chiffrée de l’absentéisme doit toujours être complétée par une analyse de contexte et interroger, voire remettre en cause le mode de gestion et d’organisation et de management », peut-on lire dans le dossier que Lettre du Cadre a consacré à l’absentéisme, en mars 2010.
C’est ainsi qu’une note de Dexia qui relève que de « 2001 à 2009, la durée moyenne des arrêts en maladie ordinaire s’est accrue de 17 à 22 jours », suggère que « l’impact du vieillissement de la population peut-être une explication à ce phénomène ».
Le document confirme toutefois que l’absentéisme progresse dans la FPT. Entre 2007 et 2009, les agents territoriaux se sont arrêtés :
- plus souvent (+ 10%),
- Et plus longtemps (+6% ).
La première cause d’arrêt de travail est la maladie ordinaire.
La durée moyenne d’arrêt par an et par agent s’élève à 22 jours.
Enfin, « on remarque que les absences pour raisons de santé augmentent avec la taille de la collectivité » souligne la synthèse des bilans sociaux 2007, de l’Observatoire du CNFPT. Un organisme qui n’avait d’ailleurs pas été sollicité par l’investigateur de Capital…
Pas étonnant, donc, que les communes de plus de 20.000 habitants occupent toutes les places sur le podium de l’absentéisme pour maladie. Elles n’en représentent pas pour autant le phénomène moyen sur l’ensemble des collectivités.
FPT : Absences pour risque de santé par type d’employeur et par statut pour 2007[Choisir le mode plein écran « Fullscreen »]
Des élus se disent « scandalisés » par l’article de Capital
Les maires de Périgueux, Montpellier, Metz, Sète (Hérault) ainsi que le président du conseil général de l’Ariège ont fait part le 11 février de leur « indignation » après la publication de l’article de Capital.
Cet article « a suscité l’indignation des élus que nous sommes », écrivent dans un communiqué, rédigé à l’initiative du maire socialiste de Périgueux Michel Moyrand et cosigné par les maires PS de Montpellier Hélène Mandroux et de Metz Dominique Gros, ainsi que par le maire UMP de Sète François Commeinhes et le président socialiste du conseil général de l’Ariège Augustin Bonrepaux.
Selon eux, l’article « s’inscrit dans une fausse démarche de « classement » des villes sans aucune base scientifique et statistique ». Les élus, qui dénoncent des « jugements à l’emporte-pièce » et des « formulations qui se veulent choc et qui ne sont que pure démagogie », pointent également des affirmations « erronées », telle l’absence de contrôle des fonctionnaires durant les arrêts maladie.
« C’est bien sûr totalement mensonger, puisque ces vérifications existent », écrivent-ils, reprochant à l’article de ne pas évoquer « les efforts accomplis par les collectivités, tant en matière de management que de ressources humaines ».
« Nous ne sommes pas dupes : cet article est dans l’air du temps (très anti-fonctionnaires, considérés (…) comme de véritables nuisibles) », regrettent les élus qui déplorent que les collectivités locales soient « accusées de tous les maux et de toutes les turpitudes ».
Références
- CRC de Corse : rapport d’observation émise par la CRC de CORSE sur les exercices 2000 et suivants. ( p.16)
- CRC Languedoc-Roussillon, publié le 26 janvier 2007 sur les exercices de 1996 à 2004- ( p.20 à22)
- CRC Aquitaine, 2 décembre 2008 (p.13)
- Synthèse santé des bilans sociaux 2007, étude de l'Observatoire du CNFPT et du ministère de l'Intérieur
- Absence au travail pour raison de santé, collectivité de moins de 3.000 habitants, Dexia 2009
- Absence au travail pour raison de santé, collectivité territoriales, Dexia 2009
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Notes
Note 01 Les journées d’absence pour maladie, longue maladie, accident du travail, maladie professionnelle, maternité, paternité et adoption sont décomptées en jours calendaires ; les autres motifs sont eux décomptés en jours ouvrés Retour au texte