L’arrêté préfectoral du 21 septembre 2016 autorisant la création de la ZAC d’EuropaCity a été retoqué par la justice. La raison ? L’étude d’impact présentée en mai 2016 est jugée incomplète.
Saisi par plusieurs associations environnementales qui souhaitent préserver les terres agricoles du Triangle de Gonesse, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a donné son verdict le 6 mars. Il estime que l’impact du projet sur la qualité de l’air n’est pas assez évoqué. Or les 31 millions de visiteurs attendus chaque année vont se rendre en voiture dans ce secteur, qui est à ce jour un no man’s land de 350 hectares, et qui ne sera pas desservi par le métro avant 2027.
Autre motif avancé par les magistrats : les besoins énergétiques d’EuropaCity – qui occupera 80 hectares sur un total de 350 – ne sont pas suffisamment évalués. Et, de manière générale, l’étude d’impact ne contribue pas selon eux à une information complète du public.
Un projet privé à plus de 3 milliards
Sous la houlette de Grand Paris Aménagement, EuropaCity doit regrouper des surfaces mirobolantes de commerces (230 000 m2), de restaurants (20 000 m2), d’équipements culturels (50 000 m2), mais aussi un centre aquatique climatisé et même une piste de ski intérieure…
Ce complexe doit être entièrement financé par le secteur privé : Immochan, filiale d’Auchan, et l’investisseur chinois Wanda sont prêts à mettre 3,1 milliards d’euros sur la table.
Côté associatif, les détracteurs d’EuropaCity dénoncent la démesure du projet, qui va en outre supprimer une importante surface de terres agricoles.
Mais du côté des collectivités proches du Triangle de Gonesse, l’artificialisation des sols n’est pas la pomme de discorde. C’est le développement économique et le nombre d’emplois que le projet pourrait créer ou, à l’inverse, détruire, qui font débat.
Bataille de chiffres sur le nombre d’emplois créés
Dans son bureau de la CA Roissy Pays de France (42 communes, 390 000 habitants, à cheval sur le Val-d’Oise et la Seine-et-Marne), Nicolas Pavil, le DGA chargé de la stratégie, se désole. « Je suis triste qu’en France un projet mette vingt ans à voir le jour, contre trois ans en Belgique ou aux Pays-Bas. EuropaCity devrait créer 8 à 10 000 emplois dans notre territoire, qui compte 30 % de chômeurs ».
C’est une étude diligentée par Arnaud Degorre en 2016 qui avance ces chiffres. « Cet expert indépendant a été mandaté par la Commission nationale du débat public lors du débat public qui s’est tenu au printemps 2016 », explique David Lebon, directeur du développement d’EuropaCity.
Des données que récusent les élus de l’Etablissement public territorial (EPT) Paris Terres d’Envol (8 communes, 352 000 habitants) (1), qui ont missionné le cabinet Ingerop pour produire une autre enquête.
Résultat : « Sur ces 8 à 10 000 emplois, un tiers serait des transfuges des centres commerciaux voisins », rétorque Jacques Verbrugghe, DGS de Paris Terres d’Envol. « Nous ne sommes pas surpris par la décision du tribunal, car l’étude d’impact n’apportait pas de réponses claires sur plusieurs points », ajoute-t-il.
Une vision que ne partage pas Nicolas Pavil, qui soupire : « Tout cela est subjectif… Et nous en sommes à 14 enquêtes publiques ! ». Toutefois, ce territorial n’a pas perdu la foi en l’aboutissement du projet : il espère que la préfecture du Val-d’Oise va attaquer la décision du tribunal. « L’aménageur, Grand Paris Aménagement, a pignon sur rue ; ce n’est pas un débutant ; l’Etat a pris toutes les précautions possibles », argue le DGA de la CA Roissy Pays de France.
Les élus de Seine-Saint-Denis réclament une alternative
De leur côté, les élus de Paris Terres d’Envol ne sont pas opposés à un projet d’urbanisation du Triangle de Gonesse. Mails ils réclament une solution alternative, qui soit moins concurrentielle avec les centres commerciaux voisins et qui prévoie davantage de solutions de déplacement pour éviter d’engorger les axes routiers.
Le projet doit être « réexaminé dans son intégralité et dans une approche globale, qui tienne compte des enjeux environnementaux, économiques et sociaux, ainsi que des récentes décisions gouvernementales en matière de transports », indique Bruno Beschizza, maire d’Aulnay-sous-Bois et président de l’EPT, dans un communiqué du 7 mars.
Nouveau signal sombre ou énième rebondissement ?
L’annulation de la ZAC ne signifie pas l’enterrement du projet, loin s’en faut. Mais après la sortie du ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, en août 2017 – pour qui EuropaCity n’était « pas compatible avec le plan Climat » -, et l’avis défavorable du commissaire chargé de l’enquête en septembre 2017, c’est un nouveau signal défavorable.
Pour l’heure, la décision du tribunal de Cergy-Pontoise n’entame pas la confiance des investisseurs. Le directeur du développement d’EuropaCity, David Lebon, se dit prêt à revoir sa copie. La balle est dans le camp de la préfecture du Val-d’Oise, qui pourrait estimer que l’étude d’impact est bel et bien suffisante, ou, a contrario, demander des compléments.
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Notes
Note 01 Cet EPT regroupe 8 communes de Seine-Saint-Denis situées en lisière du Triangle de Gonesse, à l’est - Aulnay-sous-Bois, Drancy, Dugny, Le Bourget, Le Blanc-Mesnil, Sevran, Tremblay-en-France et Villepinte. Pour les élus de ce territoire, EuropaCity pourrait nuire à l'activité des centres commerciaux Aéroville, à Tremblay-en-France, et O'Parinor, à Aulnay-sous-Bois. Retour au texte