Oubliées, les jacqueries qui, en 2011, avaient entraîné le basculement du Sénat de droite à gauche. Avec l’avènement des supers-régions et la raréfaction de l’argent public, chacun, peu ou prou, considère désormais que les intercommunalités doivent grandir. Publiés à l’automne, les projets préfectoraux de schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) allaient souvent bien au-delà des objectifs de la loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE) du 7 août 2015. 35 à 40 % d’EPCI à fiscalité propre en moins, tel était leur objectif. Composées intégralement d’élus, les commissions départementales de coopération intercommunale avaient, jusqu’au 31 mars, pour amender ces maquettes à la majorité des deux tiers.
Selon un relevé de l’Assemblée des communautés de France (ADCF) en date du 5 avril 2016 et portant sur 70 départements, ces instances sont restées globalement fidèles aux orientations de l’Etat. La baisse, dans ces territoires, des EPCI à fiscalité propre culmine à 38 %. Le fruit, selon le Gouvernement, de concertations menées en amont de la publication des projets automnaux.
Des géants toujours debout
Dans la plupart des cas, les contours des 136 intercommunalités dites « XXL », c’est-à-dire composées d’au moins 50 communes, ont été modifiées à la marge. Au Pays basque et du côté du Cotentin, les deux géants, de 158 communes pour l’un, de plus de 200 municipalités pour l’autre, restent en lice.
Des départements jusqu’ici peu portés sur les gros regroupements se lancent aussi dans la course au gigantisme. Ce phénomène est particulièrement sensible là où un président de conseil général historique a passé la main lors du dernier scrutin de 2015. Exemple emblématique : les Vosges, placées près de quarante ans durant sous la présidence de Christian Poncelet (UMP). Dans le Massif central, de vastes ensembles sont également mis sur orbite. « On est en train de passer du département providence à la communauté protectrice », observe le délégué général de l’Assemblée des communautés de France, Nicolas Portier.
« Rares ont été les amendements des CDCI de retour au statu quo », se félicite l’ADCF. Dans le Loiret, la Loire-Atlantique et les Côtes-d’Armor, les commissions sont même allées au-delà des vues des préfets.
Ces changements d’échelle n’impliquent pas, pour l’heure, des fusions de communes. Le prototype de l’actuelle communauté d’agglomération rurale des Mauges (Maine-et-Loire), assise sur six communes nouvelles, ne fait guère d’émule. Rien d’étonnant à cela selon Nicolas Portier. « Les communes nouvelles naissent surtout dans la France des bocages de l’Ouest, où se développe un tissu resserré de petits hameaux. Dans la France du Bassin parisien, on garde le modèle de la commune avec sa mairie plantée au milieu des grands champs. »
Ventes à la découpe
A la sortie des CDCI, les nouvelles cartes intercommunales se caractérisent par une plus grande diversité. Alors que, fidèles aux instructions gouvernementales, les préfets privilégiaient des fusions « bloc à bloc », certaines commissions ont préféré, contre l’avis des maires concernés, découper des intercommunalités en plusieurs morceaux. Et l’Assemblée des communautés de France d’adresser une mise en garde : « D’expérience, ces évolutions s’avèrent les plus traumatisantes pour les élus et cadres territoriaux et soulèvent de lourdes questions sur les reprises des services et les répartitions d’actifs ou de dettes. »
Les SDCI sont, maintenant, soumis à une nouvelle procédure dont les étapes varient en fonction des points de blocage. « La phase de délibération est aujourd’hui engagée et ces fusions se concrétiseront si une majorité de communes (représentant la moitié de la population du territoire) les approuvent », précise l’ADCF à propos des mastodontes du Pays basque et du Cotentin. Si ce vote est négatif, les préfets des Pyrénées-Atlantiques et de la Manche pourront « passer outre ». Si le Gouvernement assure qu’il n’aura recours à cette arme de dissuasion massive que de manière très exceptionnelle, l’ADCF prend soin de rappeler son « hostilité à l’emploi d’une telle procédure, surtout dans des cas de ce type ».
La proposition de loi « Mézard » plébiscitée
Les élus des commissions départementales de coopération intercommunale ne l’ignorent pas : la mise en place de la nouvelle carte des EPCI à fiscalité propre doit, aux termes de la loi NOTRe, intervenir au 1er janvier 2017. Cela n’empêche pas nombre d’entre eux de souhaiter un autre calendrier lors de l’adoption de leur schéma départemental. Beaucoup de CDCI formulent, à cette occasion, des vœux de report des fusions « complexes ». Une démarche qui fait directement écho à la proposition de loi portée par le président du groupe RDSE au Sénat, Jacques Mézard. Ce texte, voté le 30 mars par la commission des lois de la Haute assemblée, autorise, sur proposition de la CDCI, des reports de fusion du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018.
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