Réformer sans froisser. Voici le constat qui peut résumer l’étude publiée par la fondation Concorde, intitulée « Une réforme territoriale respectueuse des collectivités et génératrice d’économies ».
L’objectif de cette réflexion est de passer de 36 000 « égoïsmes sacrés » à 2 500 budgets communaux. Projet ambitieux dans une France conservatrice de ses institutions. Afin de lutter contre « autant de freins à une administration efficace », l’étude veut mutualiser les moyens et les personnes au niveau principalement des communautés de communes et d’agglomérations. Les auteurs chiffres à 11,7 milliards d’euros d’économie en cinq ans, le résultat des mesures proposées dans ce document.
La communauté de communes comme navire amiral
La réflexion porte principalement sur la centralisation des décisions à l’échelle des communautés de communes, assurant « une gestion globalisée et fongible des budgets et des personnels des communes qui les composent et peuvent donc exercer des compétences communales ».
Les communes percevront uniquement une dotation individualisée de l’échelon supérieur afin d’exercer les compétences déléguées, sans supprimer les 36 000 maires et les 450 000 conseillers municipaux.
Première interrogation, ces élus locaux percevront-ils une indemnité malgré une réduction des prérogatives du leur mandat ? L’étude élude la question. Regrettable. Soulignons que les auteurs souhaitent voir disparaître les différents syndicats communaux. Admettons que cette hypothèse permettrait de réaliser des économies a minima, et simplifierait la compréhension des différentes strates locales et leur efficacité sur les missions des collectivités territoriales.
Diminuer le nombre de départements
Héritage révolutionnaire, le département est pour la fondation Concorde d’ « une légitimité incontestable ». Arguant une efficacité bouleversante, et une population attachée à ses services, le rapport suggère sans complexe la suppression de la moitié d’entre eux, afin d’arriver à cinquante départements représentant a minima, un million de personnes. Optant pour une rapidité d’exécution, le recours aux ordonnances est préconisé par les auteurs, afin de ne pas affronter le Parlement, dont les représentants sont souvent autant attachés à leurs terres qu’à leurs mandats.
Sur le plan financier, le rapport prévoit des économies d’échelle issues de la fusion des services, et du gel des recrutements dans la fonction publique territoriale pendant plusieurs années. Ce retour à une « révision générale des politiques publiques » permettrait d’économiser 3 milliards sur les achats et 3,7 milliards sur le personnel.
Néanmoins, le corps de la préfectorale est visiblement sacralisé. Les auteurs laissent ainsi en place un préfet de région, assisté de préfets délégués dans les anciens départements. Même symbolique, la logique aurait voulu la suppression des préfets délégués, dont l’utilité est toute relative dans le schéma d’organisation avancé. La République n’ayant jamais manqué de hauts fonctionnaires détachés.
« Compromissions locales »
« L’Histoire nous enseigne qu’en France, à la différence de nos voisins européens, c’est l’État qui a forgé la Nation ». Sans autre élément, les auteurs livrent ce constat, qui n’est pas sans soulever quelques interrogations de fond. Souhaitant une réflexion sur l’État déconcentré, les auteurs relèvent que « les compromissions locales, le manque de vigilance et de détermination dans l’application de la loi, la perte de vue des principes de neutralité et d’autorité ont alimenté chez nos concitoyens le sentiment d’abandon ».
A les lire, les collectivités locales, sont les uniques responsables. Or, le document évoque uniquement l’emploi pour bloquer l’hémorragie républicaine décrite. Arguant que rien ne peut se faire sans lui (NDLR : l’État), même l’initiative privée (!) « (…) rien de ce qui permet à l’entreprise de naître et de croître ne se fait sans lui », les auteurs souhaitent voir trois axes de développement pour ce dernier, à travers la reconquête de l’espace républicain, la promotion du développement économique et l’encadrement de la réforme territoriale.
Force est de constater qu’en souhaitant renforcer l’État français et ses valeurs républicaines dans une France ne comptant plus que cinquante départements, en maintenant le nombre d’élus locaux et en redéfinissant les attributions entre les départements et les régions, l’équation posée semble complexe.
Cette étude survole son sujet, publiant péniblement une copie qui aurait dû être travaillée, et probablement mieux problématisée.
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