La réforme constitutionnelle de juillet 2009 qui introduit, en France, la possibilité pour tout justiciable de soulever une exception d’inconstitutionnalité au cours d’une instance constitue pour le Conseil constitutionnel une vraie révolution. Son président, Jean Louis Debré, a cependant annoncé que « le Conseil était prêt à traiter des questions prioritaires de constitutionnalité et à faire face à l’élargissement de sa saisine ». Il s’ouvre ainsi aux citoyens et au public, comme cela se fait déjà dans de nombreux pays.
Comme le relevait Daniel Ludet, ancien directeur de L’école nationale de la magistrature, conseiller à la Cour de cassation, dans un article du monde du 23 février, « le Conseil va être précipité malgré lui dans un rôle clairement juridictionnel, ce qui pourrait le contraindre à transformer ses pratiques »
Les premières QPC
Les premières QPC intéressent de très nombreux domaines. Ainsi, l’une des questions qui a été posée au Conseil d’Etat concerne l’article L. 2113-3 du Code général des collectivités territoriales, relatif à la fusion de communes.
Les tribunaux administratifs de Montreuil et de Cergy-Pontoise, le matin même du jour de l’entrée en vigueur de la réforme, se sont vus quant à eux poser une QPC portant sur la loi du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre.
Cette loi permet au préfet d’exproprier par dérogation, lorsqu’un immeuble est frappé d’un arrêté d’insalubrité ou de péril.
L’Union Française des associations tsiganes (UFAT) a également interrogé le Tribunal administratif de Versailles sur la conformité de l’article 3 de la loi du 5 juillet 2000 qui leur interdit de stationner ailleurs que dans les aires d’accueil qui leur sont réservés.
Quant à la Cour de Cassation, il lui a été soumis la question de la conformité de la procédure de la garde à vue.
Risques de dérives
La diversité de ces questions révèle la nécessité de la réforme, mais laisse également entrevoir une possible dérive. En effet, jusqu’à aujourd’hui, seulement 7 % des lois étaient soumises au Conseil constitutionnel. Désormais, on peut se demander si de nombreuses lois ne sont pas anticonstitutionnelles, notamment celles antérieures à la Constitution de 1958. Le succès de cette nouvelle QPC laisse présager qu’avocats et juristes constitutionnalistes cherchent les failles de ces lois anciennes. C’est donc un nouveau champ contentieux qui s’ouvre.
Enfin, si ces questions sont posées systématiquement lors de litiges, elles vont nécessairement prolonger des délais de jugement déjà assez importants, notamment devant le juge administratif.
Ces risques se réaliseront-ils ? Réponses dans quelques mois, lorsque les premières QPC auront passé le filtrage et que le Conseil Constitutionnel commencera à rendre ces décisions.
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