« A ce niveau de contrainte, je ne sais plus ce que veut dire être créatif », ruminait Paul Martinez, le président (UDI) de la communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines. C’est pourtant ce qu’a demandé le Premier ministre Manuel Valls aux élus communautaires, réunis à Lille les 9 et 10 octobre, face à la réduction des dotations de l’Etat de 12,5 milliards d’euros sur quatre ans.
Mais pour beaucoup des 200 participants au forum sur l’investissement public local « à l’épreuve des contraintes budgétaires », la barre est trop haute : « Nous comprenons tous qu’il est nécessaire de faire des économies », lançait Christophe Ferrari, président (PS) de Grenoble Alpes Métropole, cependant « il ne s’agit pas juste de fermer un service ou une classe », rétorque Laurent Petit, président (UMP) de la communauté de communes du Haut-Jura. « S’il faut baisser ses charges de fonctionnement de 15 %, ça je ne sais pas le faire », grince-t-il.
« Potion toxique » – La tâche noue d’autant plus le ventre des élus et agents des fonctions finances que la « potion » du gouvernement à faire avaler aux collectivités « est toxique », assure Paul Martinez. Michel Klopfer, le directeur général du cabinet Michel Klopfer, l’a d’ailleurs fait boire aux participants jusqu’à la lie : « Avec une baisse des dotations de cette ampleur, l’épargne brute qui recule déjà constamment depuis 2011 va prendre une claque de 33 %, ce qui va se traduire par une baisse d’un tiers des investissements sur la période. »
Les élus communautaires ont pour certains anticipé le coup, sans forcément en avoir appréhendé toute la force : « Nous avons déjà annulé notre projet de stade nautique », reconnaissait Paul Martinez, qui fait partie des 70 % des responsables de communautés envisageant la remise en cause des nouveaux investissements à cause de la baisse des dotations, selon le sondage réalisé pour l’occasion par l’ADCF, l’ACUF, l’AMGVF et la Caisse des dépôts (voir ci-dessous).
« Beaucoup de nouveaux élus l’ont étés avec un programme contenant zéro investissement », constate de son côté Olivier Tomasini, président de la Fédération française du bâtiment du Nord-Pas-de-Calais, qui enjoint les élus à privilégier le circuit court et la co-décision avec les professionnels pour éviter « les erreurs coûteuses dues parfois au manque de connaissance et de compétences ».
Solutions-types inexistantes – Beaucoup de participants présents dans la salle étaient pourtant soucieux de préserver leurs projets d’investissements, quitte à les décaler dans le temps, comme l’a indiqué la majorité des responsables communautaires interrogés lors du sondage. Ils pressaient en conséquence les intervenants de leur fournir des solutions-types – « qui n’existent pas puisque la situation est inédite », glisse un consultant en finances locales – afin de lever « l’insécurité financière et juridique » actuelle. « Mais comment faire pour enlever le gras qui n’existe déjà plus ? », apostrophait un élus par SMS, échangé en direct avec la tribune ?
Christine Pirès-Beaune, député (PS) du Puy-de-Dôme et membre de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, a tenté de les rasséréner en confirmant la sortie du FCTVA de l’enveloppe normée et en annonçant le remboursement du FCTVA sur l’année en cours pour les collectivités qui maintiendraient leur niveau d’investissement ainsi que l’ajustement du taux de FCTVA porté de 15,761 % à 16,442 %. Brouhaha dans la salle. « C’est un sparadrap sur une jambe de bois ! », ironise Michel Klopfer. « Ce n’est pas suffisant, juge Christophe Ferrari. Les réformes ont des conséquences immédiates et il faut un temps d’absorption pour adapter nos collectivités à ces nouvelles contraintes ».
Mutualisation à généraliser – La mutualisation fait partie de ses solutions plus ou moins payantes à long terme : « Elle est souvent préférable à l’externalisation simple, car il faut raisonner en coût marginal », réfléchit Michel Klopfer. « Mais la mutualisation ne doit pas se limiter à des transferts vers ou de la ville-centre et pas seulement au personnel mais également aux achats et même aux investissements », poursuit-il.
« La vision « guichet » des communes envers l’interco, c’est mort », reconnait Christophe Ferrari. « Le bloc communal doit être repensé pour éviter les zones de flou qui sont coûteuses », assène-t-il.
Justement, Christine Pirès-Beaune en a profité pour évoquer les deux propositions de loi sur les communes nouvelles qui seront examinées par l’Assemblée nationale le 22 octobre, en commission, et le 31, en séance publique. Ces textes sont destinés, entre autre, à réduire le nombre de communes susceptibles de se regrouper dans des intercos plus larges, à améliorer les processus de décision et à réduire les coûts de fonctionnement. « Celles qui se réuniront auront des incitations financières », promet la députée.
Pistes d’espoir – Même si le forum ne s’est pas transformé en marché aux idées neuves comme l’espéraient des participants, certains ont évoqué des pistes « d’espoir ». « En 20 ans, j’ai toujours réussi à présenter un budget équilibré », rassure Alain Farine, DGS de la communauté d’agglomération de Blois. « Cette année sera la plus difficile, avec une chute prévisible de 10 % des investissements, mais nous avons réussi à mettre en place un plan pluriannuel d’investissement qu’il a fallu réécrire 5 fois avant un accord de tous les maires de l’agglo, nous avons retravaillé sur les subventions ou mieux évalué les politiques publiques locales ».
D’autres ont insisté sur la nécessité de faire des investissements productifs : « la question de l’énergie et de la maîtrise de son coût va devenir centrale », insiste Emmanuel Couet, président socialiste de Rennes Métropole. « Il faut se tourner vers des équipements qui génèrent des revenus », invite Jean-Louis Marchand, le vice-président de la Fédération nationale des travaux publics, citant la géothermie ou la méthanisation.
« C’est en tout cas l’heure de vérité pour s’interroger sur les priorités et le rôle des politiques publiques », répond en écho Emmanuel Couet, qui estime que « les populations sont souvent en avance sur les élus sur ces questions ».