Atteinte à l’intégrité du littoral, détérioration de leur image, insuffisance des indemnisations… Les villes et départements ont défendu le 22 mai le droit à réparation des préjudices écologique, moral et économique des collectivités locales après la marée noire du naufrage de l' »Erika ».
Si les pêcheurs ou les hôteliers peuvent produire leurs livres de comptes ou invoquer leur stress pour demander des réparations, les collectivités locales doivent argumenter différemment.
Maître Thomas Dumont, défenseur du département du Morbihan, était chargé de plaider leur cause devant le tribunal correctionnel de Paris. Il a expliqué que celles-ci n’entendaient pas rester à l’écart des revendications de « préjudice écologique », notion encore inconnue en droit français. Mais jusqu’alors, ce préjudice a surtout été défini à l’audience comme une sorte de traumatisme, de privation pour l’homme de la jouissance de la nature. Un concept guère applicable à des collectivités locales.
Invoquant aussi bien le Code de l’urbanisme que la jurisprudence sur la mort d’un chamois dans le parc de la Vanoise, l’avocat a expliqué que les localités avaient bien subi un préjudice écologique, puisque la marée noire avait porté atteinte au « patrimoine naturel » et qu’elles avaient pour mission de le défendre.
Comment calculer ce préjudice ? Maître Thomas Dumont tient la formule : sur chaque permis de construire, le département a le droit de percevoir une taxe sur les espaces sensibles, représentant 2% de la taxe locale d’équipement. Sur deux ans, période de la crise, la somme s’éléverait à 10 millions d’euros. CQFD, c’est donc ce que réclament les conseils généraux du Morbihan et de Vendée. Pour Quiberon, l’avocat propose une addition de 1,5 millions d’euros, coût estimé d’un projet de restructuration de l’espace dunaire sur cinq ans.
Certes, il veut croire que le tribunal « posera la pierre d’angle » de la jurisprudence française en créant ce préjudice écologique. Mais, prudemment, les collectivités demandent aussi réparation d’un préjudice moral, qui s’évalue selon elles non pas en termes de traumatisme psychologique, mais « d’atteinte à l’image » : 2 millions par département et 500 000 euros par commune.
Restent les dommages économiques quantifiables, qui n’ont été que partiellement remboursés par le Fipol, le Fonds international d’indemnisation abondé par les compagnies pétrolières.
« Il a fallu batailler dur » pour se faire payer, assure l’avocat, qui souligne les réticences de l’assureur anglais de l’armateur, allant jusqu’à faire « examiner l’épaisseur des cordes des conchyliculteurs sur le port de l’île d’Yeu », pour déterminer leur degré d’usure, et donc leur valeur de remboursement.
Sur les 1,9 millions d’euros réclamés, 200 000 euros n’ont toujours pas été versés au Morbihan qui les demande aujourd’hui à la justice pour rembourser les achats onéreux de « cribleuses », machines à nettoyer les plages, ou la diminution des recettes sur les allers-retours des navettes vers Belle-Ile.
Justice, jurisprudence
Erika : les collectivités locales plaident leur droit à indemnisation
Publié le 22/05/2007 • dans : A la une, France
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