Le 16 octobre 2012, Vincent Peillon, qui clôturait ses négociations avec les syndicats enseignants dans le cadre de la préparation de la loi de programmation et d’orientation pour l’école, a confirmé le rôle central que joueraient les régions dans le « service public territorialisé de l’orientation ».
Des prérogatives régionales que les syndicats accueillent assez fraîchement. « Pour nous, l’orientation fait partie du système éducatif, c’est même une clé de la réussite du parcours scolaire. A ce titre, elle doit rester du domaine de l’Etat », martèle Jean-Marie Le Boiteux, secrétaire général du Syndicat national de l’enseignement technique agricole public (SNETAP – FSU).
De son côté, F.O. pointe la délicate situation du conseiller d’orientation, qui reste fonctionnaire de l’Etat, mais dont les missions hors établissements d’enseignement seront définies conventionnellement avec les régions. « Il nous a été dit que la région devenait coordonnatrice de tous les acteurs de l’orientation, rapporte Jacques Paris, secrétaire général du Syndicat national F.O. des lycées et collèges. Il y a donc fort à craindre que l’orientation scolaire soit fondue dans le concept plus global d’orientation tout au long de la vie et que les conseillers d’orientation, dans la logique du guichet unique, se voient obligés d’élargir leurs missions en mairie ou à Pole Emploi. »
Favoritisme – Que les régions deviennent les pilotes de la carte des formations suscite également de nombreuses interrogations. « Pour certaines spécialités d’enseignement professionnel, les besoins ne sont pas suffisants pour proposer des formations sur tout le territoire. La région ne sera-t-elle pas tentée de favoriser l’admission des élèves de son propre territoire, au détriment des élèves extérieurs à la région ? Les régions limitrophes seront-elles capables de s’entendre entre elles pour éviter de se faire concurrence ? » se demande Jean-Marie Le Boiteux. « Les régions veulent maîtriser la carte des formations, mais ne veulent pas gérer de personnels. Or comment une région pourra-t-elle imposer à l’Etat l’affectation des enseignants en cas d’ouverture de section ? » pointe-t-il encore.
Quid de l’enseignement agricole ? – Une autre interrogation concerne les formations concernées par la décentralisation. « Dans tous les discours, il est évoqué l’enseignement professionnel et l’enseignement agricole. L’enseignement agricole comprend l’enseignement secondaire mais aussi l’enseignement supérieur court, organisé dans les lycées. Or les lycées agricoles ne sont pas des lycées professionnels en tant que tels puisqu’ils comprennent les enseignements professionnel, technologique et général. Je vois mal certains établissements relever des régions, et d’autres de l’Etat…»
F.O. comme la FSU doutent de la capacité des régions à assurer une équitable complémentarité entre apprentissage et enseignement professionnel sous statut scolaire. « Les régions auront le dernier mot sur les ouvertures de section en lycée professionnel. Comme la formation professionnelle sous statut scolaire coûte plus cher que l’apprentissage, il y a fort à parier qu’elles favoriseront ce dernier. Avec les conseillers d’orientation désormais dépendants des régions, cela fait système ! », soupçonne Jacques Paris. Or pour Jean-Marie Le Boiteux, le choix de l’apprentissage pour un métier doit avant tout relever des élèves et des familles, pas des régions.
Autant d’interrogations qui remettent en cause le principe même de la décentralisation et qui devront trouver réponse dans le cadre de l’acte III de la décentralisation. Les régions sont en tout cas loin d’avoir obtenu un blanc seing auprès des syndicats.