Intervenant le 31 juillet dernier devant les préfets, Manuel Valls a précisé au sujet des Roms migrants les propos qu’il avait brièvement tenus le 27 juillet devant les sénateurs.
« En tant que ministre de l’Intérieur, je n’accepterai pas que se développent, notamment dans les grandes agglomérations, des zones échappant au droit. Je vous demande donc de faire appliquer les décisions de justice en procédant à l’évacuation des campements. Je vous demande de le faire en accord avec les élus concernés, et en liaison très étroite avec les associations qui prennent en charge les populations ».
Ainsi, le ministre délimite clairement le partage des tâches. Il limite la responsabilité politique et humaine des préfets, qui deviennent de simples mais rigoureux exécutants des décisions d’évacuations forcées de bidonvilles prises par les juges au regard des plaintes émises par les propriétaires privés ou publics des sites occupés.
« Je ne dis pas que cela règle les problèmes », a-t-il nuancé devant les sénateurs. Aussi, il demande aux préfets de se concerter avec les collectivités et les associations qui, après des évacuations forcées, se trouvent confrontées aux déplacements de familles entières, parfois de quelques centaines de mètres seulement.
Tout en signalant devant les sénateurs des expériences d’insertions réussies, mais « à doses homéopathiques », il replace la question à l’échelle internationale. « J’ai conscience de la complexité de ce phénomène qui prend sa source dans d’autres pays. Des mesures doivent d’ailleurs être prises dans ces pays où les Roms sont stigmatisés. Il est important que les décisions puissent être mises en œuvre de façon à la fois ferme et digne, même si je sais que les solutions d’intégration ne sont pas toujours évidentes », précise-t-il aux préfets.
Ainsi il laisse entendre qu’il attend des solutions émanant de la Commission européenne à Bruxelles et du Conseil de l’Europe à Strasbourg. Bruxelles prépare pour le budget européen de 2014 le fléchage de fonds européens vers les politiques d’inclusion des Roms dans chaque Etat de l’Union.
De son côté, le Conseil de l’Europe – qui ne dispose pas de fonds – encourage depuis l’automne 2011 les collectivités à se regrouper dans une Alliance des villes destinée à propager les bonnes pratiques.
Ces deux politiques encore embryonnaires découlent de la déclaration de Strasbourg du 20 octobre 2010.
Distinguer les Roms migrants des gens du voyage français – Au Sénat, Manuel Valls a remercié le sénateur Pierre Hérisson d’avoir distingué la question des gens du voyage de celle des Roms migrants et alerté sur les amalgames qui aggravent des situations extrêmement tendues.
Nullement itinérants par choix, les Roms migrants ne désirent nullement adopter le mode de vie des gens du voyage. « Nous ne voulons pas voir des titres de circulation s’ajouter à toutes les contraintes que nous subissons. Nous ne voulons pas non plus être obligés de vivre en caravane et de voyager avec toutes les difficultés que cela ajoute pour faire des études et s’insérer », lance Brahim Music, réfugié kosovar et président d’une association culturelle rom implantée à Bobigny.
« Sans rejeter les Roms étrangers, nous ne voulons pas être amalgamés avec les préjugés négatifs qu’ils subissent. Nous n’avons rien à voir avec les bidonvilles et la mendicité. Nos associations aident ici et en Roumanie des familles dans le besoin. Mais, il faut surtout éviter les amalgames », remarque le pasteur Joseph Charpentier, président de SOS Gens du voyage.
Trois statuts très différents
- Gens du voyage soumis à la loi du 3 janvier 1969 relative aux activités ambulantes.
400 000 citoyens français et quelques centaines de professionnels des métiers itinérants issus des Etats de l’espace Schengen. - Roms citoyens roumains et bulgares.
Soumis aux mesures transitoires d’entrée de ces deux Etats dans l’Union européenne qui limitent leur accès au marché du travail jusqu’au 31 décembre 2013.
15 à 20 000 personnes selon les associations qui ne comptent que les familles en grande difficulté.
Le 13 juin dernier, la sénatrice EELV Aline Archimbaud a déposé une proposition de résolution demandant la fin de ces mesures transitoires, qui n’a pas retenue l’attention de Manuel Valls. - Roms citoyens d’autres Etats.
Selon les cas, ils relèvent :
- du droit d’asile notamment pour ceux qui sont arrivés lors des guerres des années 1990 dans l’ex-Yougoslavie ;
- du droit des étrangers applicable à leur pays d’origine : Espagne, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, etc.
Nullement limitée aux pays d’Europe centrale ou de l’Est, cette émigration pour des motifs personnels ne peut être évaluée. La France ne pratique pas les statistiques ethniques. De leur côté, étudiants et professionnels ne font état de leurs origines roms que lorsqu’ils sont impliqués dans des mouvements activistes ou des activités culturelles.