«Manger ou construire, il faut choisir ! » C’est le slogan qu’avait adopté le syndicat professionnel les « Jeunes agriculteurs » à l’occasion de la semaine nationale pour la préservation du foncier agricole (novembre 2011). Car le grignotage des terres s’accélère : 74 444 hectares de terres agricoles ont été artificialisées entre 2000 et 2006 (1), selon le ministère du Développement durable. Sur cette même période, le tissu urbain s’est accru de 1,6 %, les zones industrielles et commerciales de 6,8 % et les infrastructures de transport, essentiellement des autoroutes, de 16,7 %.
Un tiers des sols artificialisés était de très grande qualité agronomique. L’artificialisation des très bonnes terres a touché en priorité la Haute-Normandie, la Bourgogne, Midi-Pyrénées et le Nord-Pas-de-Calais.
Des dispositifs inexploités – En raréfiant les terres cultivables, l’étalement urbain renchérit les prix et enclave les exploitations, dont le fonctionnement se complique, de même que l’installation de jeunes agriculteurs. En principe, les espaces agricoles et naturels sont protégés par les documents d’urbanisme… qui n’ont pas (encore) produit les effets souhaités par le législateur.
« En outre, les collectivités ont très peu mobilisé les dispositifs de protection des zones agricoles protégées (ZAP) et des périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN), mis en place respectivement en 1999 et en 2005, constate Christine Margetic, professeure de géographie à l’université de Nantes. Elles refusent de perdre la main sur leurs prérogatives foncières. »
Certains agriculteurs y sont également opposés. « Leurs terres constituent leur capital-retraite, observe Nicolas Portier, délégué général de l’Assemblée des communautés de France. Lorsqu’il devient urbanisable, un terrain peut voir sa valeur vénale être multipliée par 200. »
Toutefois, la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite « Grenelle 2 ») a renforcé le rôle des documents d’urbanisme en matière de réduction de la consommation d’espace. C’est notamment le cas du schéma de cohérence territoriale (Scot), axé sur « l’utilisation économe des espaces naturels [et] la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières » (art. 14).
Cet outil peut constituer une véritable chance pour l’agriculture périurbaine, à certaines conditions toutefois. D’abord, qu’il soit établi à la bonne échelle, celle de l’aire urbaine et non de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Ensuite, qu’il entre dans les détails, presque au niveau de la parcelle.
Enfin, il est nécessaire que les agriculteurs participent à chaque étape de l’élaboration du Scot, lequel doit aussi mobiliser élus et citoyens (2).
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Comment réconcilier ville et agriculture : booster les circuits courts
Sommaire du dossier
- Agriculture : ces villes qui retrouvent la clé des champs
- Circuits courts : comment accompagner le changement
- Circuits courts : « On peut contourner l’inertie du modèle agricole dominant »
- Autonomie alimentaire : zoom sur 5 initiatives qui font leur preuve
- Agriculture : le patriotisme alimentaire pour sortir de la crise
- « Pour certains producteurs agricoles, avoir un apport régulier de trésorerie devient une question de survie »
- La déprise agricole s’accélère malgré la réglementation
- L’agriculture verticale urbaine, une solution d’avenir pour se nourrir ?
- Créer et maintenir l’activité à la périphérie des villes
- Pour booster les circuits courts agricoles, mutualiser des activités les plus chronophages
- Apporter une aide logistique aux agriculteurs pour booster les circuits courts
- La nouvelle PAC est-elle vraiment plus « verte » ?
- Soutenir le bio, freiner la spéculation : 2 initiatives réussies de collectivités territoriales
- Xavier Guiomar : « Producteurs, citoyens, élus doivent faire alliance »
- Michel Griffon : « Faire correspondre la carte de la production agricole avec celle de la population »
- Marc Dufumier : « Le système agricole est aberrant en terme de développement soutenable »
Thèmes abordés
Notes
Note 01 « Le point sur l’artificialisation des sols s’opère aux dépens des terres agricoles », 2011. Retour au texte
Note 02 Rapport de l’association Terres en villes, « Prendre en compte l’agriculture et ses espaces dans les Scot », mars 2010. Retour au texte