« J’ai été surpris de ne pas avoir de réponse de François Hollande à la lettre que l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (ANCCLI) a adressée à l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle » , confie son président, Jean-Claude Delalonde.
Et, en tant que socialiste, il ne cache pas être « personnellement déçu ». Alors, il attend de « savoir si le nouveau gouvernement est ou non intéressé par l’implication de la société civile dans le sujet nucléaire à travers l’existence des CLI ».
« A ce jour, lâche-t-il, je serais tenté de me dire que ce n’est pas son centre d’intérêt »…
Une association pluraliste – Au lendemain du second tour des Ă©lections lĂ©gislatives, le 17 juin, et surtout dès la nomination du gouvernement qui suivra, il demandera donc Ă rencontrer le ou la ministre en charge de l’Energie pour ĂŞtre fixĂ© sur ses intentions.
« Si mes amis politiques veulent faire mieux que l’ancienne majorité, j’en serai très heureux. Mais s’ils ne vont pas dans ce sens, j’exprimerai ouvertement mon désaccord », assure cet homme qui rappelle être à la tête d’une association « diverse, composée de pro et d’antinucléaires, de sensibilité de gauche, de droite ou encore d’écologistes, et dont la seule préoccupation est la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, dans la transparence ».
Actrices du contrĂ´le Ă part entière – NĂ©es d’une circulaire de l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy en 1981, confortĂ©es par la loi de 2006 relative Ă la transparence et Ă la sĂ»retĂ© en matière nuclĂ©aire (TSN), les CLI ont, avec l’accident de Fukushima en mars 2011, trouvĂ© l’occasion d’imposer leur prĂ©sence sur la scène publique.
Leur participation quelques mois plus tard, en tant qu’observatrices, à l’audit réalisé dans les centrales nucléaires, dans le cadre des Evaluations complémentaires de sûreté (ECS), leur a en tout cas permis de franchir un cap supplémentaire dans un domaine longtemps tabou.
Aujourd’hui, les 53 CLI – dont 38 autour des sites nuclĂ©aires civils –, qui rassemblent 3 000 membres, Ă©lus, syndicalistes, reprĂ©sentants d’associations et experts ou personnes qualifiĂ©es, sont ainsi considĂ©rĂ©es par l’AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (ASN) comme des « actrices du contrĂ´le Ă part entière », assure Henri Legrand, membre du conseil exĂ©cutif de l’autoritĂ© administrative indĂ©pendante et en charge des relations avec les CLI.
Voilà pour la théorie.
Vide absolu – Car, dans la pratique, on peut parler de CLI Ă deux vitesses. Exemple, Ă Chinon (Indre-et-Loire), le reprĂ©sentant de France Nature Environnement (FNE), Dominique Boutin, dĂ©nonce la passivitĂ© de sa commission locale.
« Aucune prise de position après Fukushima, aucune réaction après l’opération de Greenpeace sur plusieurs sites, dont le nôtre, en décembre 2011. Nos réunions, c’est le vide absolu », déplore-t-il. En trouvant cela d’autant plus regrettable que, sur le papier, « les CLI permettent de rompre l’omerta autour du nucléaire en ouvrant le débat. Ici, pro ou anti, nous arrivons à discuter librement, sans se taper dessus. Si je sais que ce n’est pas là que je vais gagner le débat de la sortie du nucléaire, au moins pouvons nous échanger. Mais notre conseil général s’est toujours moqué de la CLI, il l’a créée contraint par la loi et il avance maintenant à reculons ».
Un très beau travail – A contrario, il cite en modèle les CLI de Gravelines (Nord), de Golfech (Tarn-et-Garonne) et du Blayais (Gironde). Ou, plus proches de la sienne, celles de St-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) et Dampierre-en-Burly (Loiret).
Avec elles, ce spécialiste de l’étude des sols a participé, « à titre individuel, parce que ma CLI n’avait pas voulu y adhérer », à une opération baptisée Action pilote environnement Loire (APEL), une étude sur la surveillance de la radioactivité dans l’environnement du bassin de la Loire, en collaboration avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). « Nous avons réussi à faire un très beau travail », se réjouit-il.
Dynamiques avant Fukushima – Dans le peloton de tĂŞte des plus actives, bien que ou parce que sur un terrain sensible : les trois CLI du dĂ©partement de la Manche, couvrant les sites Areva de La Hague, EDF de Flamanville et Andra, près de Cherbourg.
Toutes sont présidées par le maire et conseiller général de Beaumont-Hague, Michel Laurent. Ancien salarié d’Areva, investi depuis plus de vingt ans dans les CLI, pronucléaire, il s’est déclaré « bouleversé » par l’accident de Fukushima mais « n’a pas changé de position sur le sujet ».
Adepte de la transparence, il a mis en place un groupe de travail inter-CLI qui prépare un livre blanc, annoncé fin 2012, pour faire le point sur la sûreté des installations nucléaires du département.
« Notre dynamisme ne date toutefois pas de Fukushima », tient-il à préciser. En témoignent, notamment, la réalisation d’études, de publications et l’existence de sites internet régulièrement alimentés…
Ne pas servir d’alibi – VĂ©tĂ©ran du combat antinuclĂ©aire, prĂ©sident de l’association CRILAN, ancien dĂ©putĂ© europĂ©en Verts, Didier Anger reconnaĂ®t que la CLI de La Hague dont il est membre « fonctionne mieux que d’autres, que la dĂ©mocratie y vit mieux qu’ailleurs ».
Mais, n’entendant pas « servir d’alibi », il a le 20 avril 2012 claquĂ© la porte du conseil d’administration de l’autre CLI Ă laquelle il appartient, Flamanville, pour protester contre « ses mĂ©thodes de travail » – en l’occurrence, la rĂ©ception tardive rĂ©pĂ©tĂ©e des documents, en particulier de la part d’EDF, avant chaque rĂ©union.
Se libĂ©rer de la tutelle des conseils gĂ©nĂ©raux – Il prĂ´ne une Ă©volution des CLI vers un statut associatif pour les libĂ©rer de la tutelle de conseils gĂ©nĂ©raux « qui profitent des retombĂ©es financières du nuclĂ©aire », un frein Ă l’indĂ©pendance, commente-t-il.
Membre en tant qu’experte des CLI de Saclay (Essonne), Fessenheim (Haut-Rhin) et La Hague, vice-prĂ©sidente du conseil scientifique de l’ANCCLI, la physicienne Monique SenĂ©, qui dresse un bilan « très positif » de l’existence de ces « vrais lieux d’échange entre ‘pro’ et ‘anti’ et de dialogue entre le pouvoir politique et la population », approuverait une telle orientation.
Car si, dit-elle, « une CLI peut reposer sur un conseil général, encore faut-il que celui-ci soit prêt à la soutenir… »
Avis aux bailleurs de fonds – Mais, pour le prĂ©sident de l’ANCCLI, Jean-Claude Delalonde, « la question n’est pas tant celle du statut que des moyens financiers » mis Ă la disposition des CLI, qu’elles soient constituĂ©es en association ou dĂ©pendent d’un conseil gĂ©nĂ©ral.
Il en appelle avant tout aux bailleurs de fonds potentiels, Etat, collectivités – et pas seulement le département – ou, pourquoi pas d’autres, comme c’est le cas dans son fief de Gravelines avec la chambre de commerce et d’industrie.