Même s’il est difficile d’aborder ce sujet sans être taxé de « libéral », proche de l’Ifrap ou autres officines connexes, je pose la question, au risque de mon excommunication : à quoi sert le statut en 2016 ?
Il suffit de regarder tous les autres pays de l’OCDE pour s’apercevoir que la notion de « statut » a été supprimée sans provoquer de psychodrame national. Il ne semble pas que le Canada, la Suisse, l’Allemagne ou la Suède soient retournés à l’ère préindustrielle avec la fin de l’emploi à vie pour leurs fonctionnaires, ni que leur niveau de service public se soit dégradé.
Rémunération au mérite
Est-il encore possible, en 2016, de piloter des ressources humaines avec le maintien d’un statut tout entier dévolu à des rapports verticaux, et engendrant la situation paradoxale de ne pas pouvoir reconnaître les mérites individuels et collectifs, ni réellement sanctionner en cas de manquement ?
La rémunération au mérite, alors qu’elle est mise en place ailleurs en Europe, n’a pas dépassé le stade folklorique dans nos administrations locales. Au lieu de cela, nous assistons à des débats interminables pour arriver à une augmentation poussive d’un point d’indice, avec un gain évalué entre 10 et 22 euros par mois, et à l’arrière-pensée électoraliste à peine dissimulée.
Comment justifier, en 2016, le maintien d’un statut identique pour un militaire en opex et pour une secrétaire dans une mairie lambda ? Au nom du « service public », comme si ce dernier était corrélé au statut public, et alors que la plupart des collectivités n’hésitent pas à déléguer tout un pan de son exécution au secteur privé. Pour mettre l’agent à l’abri des pressions ? Nul doute que le statut a permis l’éradication de la corruption et du clientélisme…
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Le networking territorial
Malgré ce même statut, pourtant parfaitement uniforme sur tout le territoire national, le networking territorial reste une vue de l’esprit, tant les collectivités restent isolées les unes des autres. En effet, une volonté affichée de regroupement via des EPCI reste dénuée de toute harmonisation dans les pratiques et les outils.
Que dire de l’opposition privé-public, quand la différence de traitement est plus flagrante au sein du secteur public lui-même, avec la cohabitation des statutaires et du recours massif à des contractuels ?
A l’heure où la recherche de marges financières devient le principal enjeu, on ne peut plus favoriser des cadres d’emplois tout entiers dédiés à une « administration administrante », surtout quand les offres d’emploi locales demandent de plus en plus des managers formés dans des écoles de commerce et de management ; nous n’avons pas tant besoin de comptables que de stratèges financiers, de gestionnaires de procédure de marchés publics que d’acheteurs performants, de responsables du personnel que de directeurs des RH agiles et innovants.
Ces profils, de moins en moins évidents à trouver dans le vivier traditionnel de la fonction publique, sont souvent considérés comme « atypiques » pour le secteur public, mais nécessaires au regard des nouveaux défis rappelés plus haut.
Vers une « ubérisation »
Si un changement de paradigme n’est pas opéré rapidement, une forme « d’ubérisation » des services collectifs viendra concurrencer les collectivités : c’est déjà le cas au pays de Galles ou à Hanovre, avec la gestion de quartiers entiers opérée par le secteur privé, à moindre coût et avec plus d’efficacité que le secteur public local, souvent peu à l’aise avec les nouvelles technologies et l’esprit d’innovation appelés par la nouvelle société digitale. Non par manque de qualités, mais d’ouverture au secteur privé qui a tant à nous apporter…
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