« Le dumping n’est plus acceptable. Voilà pourquoi nous allons interdire, dans ce texte, les déménagements d’entreprises payés par de l’argent public », lance Marylise Lebranchu, la ministre de la Décentralisation. Le ton est donné pour le troisième acte de la réforme territoriale, dont le projet de loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) est en cours d’examen au Sénat.
Si le projet de loi clarifie les compétences des collectivités territoriales en matière de développement économique, pour certains, cette annonce n’apporte pas de bouleversement. « Cette disposition entérine une pratique. Beaucoup de choses ont été réglées par l’intercommunalité », assure Jean-Louis Gagnaire, vice-président (PS) de la région Rhône-Alpes en charge du développement économique. « De plus, les aides directes à l’implantation se sont réduites comme une peau de chagrin », précise-t-il.
Pour l’économiste Alain Trannoy, directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales à Marseille, il sera compliqué de prouver qu’une entreprise délocalise pour des raisons fiscales.
Un tel raisonnement de la part d’une entreprise serait même inquiétant, renchérit Charles-Eric Lemaignen, président UMP de la communauté d’agglomération d’Orléans et de l’Assemblée des communautés de France : « si une entreprise s’installe sur un territoire uniquement pour les aides qui lui sont accordées, ce n’est pas bon signe ! ».
Une règle nécessaire
Pour certains élus, le dispositif anti-dumping pourrait s’avérer contreproductif. « Si une entreprise qui veut s’implanter dans une autre région a trop de contraintes, elle peut très bien décider de partir en Allemagne. Attention à ce que cette bonne intention ne se retourne pas contre l’intérêt de l’emploi en France », analyse Charles-Eric Lemaignen.
Pour Jean-Louis Gagnaire, cette mesure ne sera pas un frein à la mobilité des entreprises, même s’il reconnaît que le pragmatisme doit primer dans les organisations. « Arrêtons de faire de l’excès normatif », assène l’élu de Rhône-Alpes.
Mais avec plus de 6000 dispositifs d’aides publiques aux entreprises, et ce à divers échelons (local, régional, national, européen), la clarification était nécessaire. D’abord pour les concitoyens.
« Dans ce domaine, s’agissant d’argent public il faut imposer des règles. La montée en puissance du rôle des régions doit être une garantie », assure François Bonneau, président PS de la région Centre. Néanmoins, la clarification ne doit pas éloigner les régions de leurs objectifs : « les missions portées par le domaine public ne doivent pas être oubliées. Notre but c’est de faire en sorte que les conditions de compétitivité soient remplies. On doit faciliter le développement des entreprises en jouant sur l’innovation, l’emploi », note François Bonneau.
Le rôle-clé des conférences territoriales
Enfin, les élus rappellent que l’entreprise de demain se développe sur un secteur géographique étendu avec des pôles de compétitivité qui y participent :« On ne peut pas interdire tout mouvement. Prenez le secteur pharmaceutique ou de la cosmétique dans le Centre, ils ne sont pas bordés à la région », considère François Bonneau.
Pour autant, ces pôles auront pour mission de travailler avec les régions. « Les métropoles doivent agir en prenant compte des orientations de la région. C’est pour cette raison que nous avons créé des instances de dialogue que sont les conférences territoriales de l’action publique », rappelle-t-on, au cabinet d’André Vallini, secrétaire d’Etat à la Réforme territoriale.