Depuis huit ans Daniel Percheron, président (PS) du conseil régional, tente de convaincre l’agglomération de Lens-Liévin de s’inspirer de l’effet Bilbao, la ville qui a profité de l’arrivée du musée Guggenheim pour se transformer. Mais, perchés sur leurs bastions respectifs de Lens et Liévin, les deux maires, Guy Delcourt (PS) et Jean-Pierre Kucheida (PS) ont du mal à s’engager dans un jeu collectif (d’où la paralysie de la communauté d’agglomération) et à s’approprier une démarche urbaine de qualité.
Euralens – Cette démarche a un nom : Euralens. C’est à la fois une association d’acteurs politiques et économiques lancée par Daniel Percheron et le groupement de commandes (composé de Lens, Liévin, Loos en Gohelle et la Communauté d’agglomération Lens-Liévin) monté in extremis pour éviter que le Louvre-Lens soit inauguré en bottes.
Ce dernier a retenu l’équipe Michel Desvigne-Christian de Portzamparc pour concevoir le schéma directeur d’Euralens (les 1000 hectares de « centralité » autour du musée), coordonner les opérations engagées dans ce périmètre et assurer la maîtrise d’œuvre des espaces publics permettant l’accès au musée.
D’un archipel noir à un archipel vert –« Passer d’un archipel noir à un archipel vert » : le concept de Michel Desvigne est superbe. Mais quand l’équipe est venue présenter le projet, en 2011 au forum des projets urbains, avec La Fabrique de la Ville (Jean-Louis Subileau) AMO du groupement de commandes, le maire de Lens n’était pas là. Et a pris ensuite ombrage du succès de la présentation.
L’élu n’aime pas que les projets sur sa ville soient soumis aux regards extérieurs, qu’il s’agisse de l’architecte des bâtiments de France (provoquant ainsi un retard sur l’opération immobilière de l’Apollo) ou même du cercle de qualité (urbanistes, architectes) d’Euralens qui ne s’est pas réuni depuis mi 2011.
Pourtant, cette implication d’experts extérieurs est une composante essentielle de l’ambition d’Euralens, qui souhaiterait, à l’instar de l’Emscher Park dans la Ruhr (Allemagne), fédérer à travers une labellisation, des initiatives de qualité. Aucun des projets candidats n’a encore été labellisé.
Trois opérations – Des opérations s’amorcent quand même sur Lens. On attend d’ici mars 2013 le dépôt des premiers permis de construire sur trois opérations initiées par la ville :
- un hôtel et des logements (8000 m2 au total) sur le site de l’ancien cinéma Apollo,
- 13.800 m2 de bureaux et logements près de la gare,
- un hôtel 4 étoiles sur le site Garin.
Un concours d’architecture a été organisé pour la restructuration de la cité minière du 12/14 près du musée. Sur Liévin, par contre, le projet d’ecoquartier Jaures Scientifique à l’entrée l’ouest de Louvre-Lens est en stand-by. Son aménageur, la Sem Adevia est paralysée depuis un an par un problème de gouvernance sur fond de conflit avec ses banquiers.
Pour animer la dynamique Euralens, Daniel Percheron a demandé à Jean-François Caron,de s’impliquer davantage. Cet élu vert, maire de Loos en Gohelle a porté avec succès l’inscription du Bassin Minier au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Son prochain chantier ? « La chaine des parcs » : Euralens s’apprête à lancer une étude stratégique pour décliner à l’échelle des trois agglomérations de Lens Liévin, Hénin Carvin et Artois Comm le concept d’archipel vert.
Inauguration en grande pompe
Le président François Hollande a inauguré mardi 4 décembre le musée du Louvre-Lens. Arrivé matin sous un soleil radieux, M. Hollande a été accueilli dans ce bâtiment lumineux et épuré dû à des architectes japonais, par un groupe d’anciens mineurs, casqués et en bleu de travail, rappel d’un passé encore très prégnant.
Le chef de l’Etat a ensuite visité l’immense Galerie du Temps, avec ses quelque 200 chefs-d’œuvre, en compagnie d’un aréopage de personnalités politiques, parmi lesquelles la ministre de la Culture Aurélie Filippetti et les anciens Premiers ministres socialistes Pierre Mauroy et Lionel Jospin.
Le chef de l’Etat a salué le « pari insensé » tenté par Jacques Chirac en 2004, lorsqu’il a pris la décision d’implanter le Louvre à Lens (Pas-de-Calais), ville de 35.000 habitants meurtrie par les guerres et la désindustrialisation. « Le Louvre sera un des instruments du développement de ce bassin et de cette région », a espéré le président. « Le Louvre continue sa révolution, une révolution démocratique », a ajouté M. Hollande, tout en félicitant le Nord/Pas-de-Calais pour sa politique culturelle « exemplaire ».
« On est passés du noir de la mine à la lumière du Louvre. C’est le symbole d’une renaissance », s’est ému Gérard Boudet de l’association des Gueules noires de Liévin, qui rassemble mineurs et descendants de mineurs.
« La première exposition temporaire est consacrée à la Renaissance et nous en attendons une renaissance de l’économie du Nord/Pas-de-Calais », a déclaré la maire de Lille Martine Aubry.
Vu d’un bon oeil par le patron du Louvre Henri Loyrette, le choix de Lens avait ensuite été soutenu par plusieurs ministres ou ex-ministres de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, Renaud Donnedieu de Vabres ou encore Jack Lang, tous présents à l’inauguration.
Responsables du projet comme habitants de la région semblaient conquis par le travail du cabinet japonais Sanaa, après sept années de chantier.
« Ce musée dépasse nos espérances initiales, c’est un lieu de fierté et de beauté, un des chefs-d’œuvre architecturaux de ce nouveau siècle », s’est réjoui Henri Loyrette.
Les bâtiments de verre et d’aluminium poli, bas mais très longs, réfléchissent la lumière, semblant se fondre dans le ciel lorsqu’il pleut et étincelant lorsque le soleil revient.
Le Louvre a envoyé à Lens une série de chefs-d’œuvre, notamment « La Liberté guidant le peuple » (1831) de Delacroix mais aussi « Balthazar Castiglione » de Raphaël ou « Louis-François Bertin » de Ingres, qui s’installeront pour un an.
Le Louvre-Lens, qui ouvrira au public le 12 décembre, mise sur une fréquentation de 700.000 visiteurs la première année, et 500.000 les années suivantes. Située à une heure de Paris en TGV, la ville est au coeur du bassin minier, non loin de Lille et de la Belgique.
Le Louvre-Lens a coûté plus de 150 millions d’euros, financés à 60% par la région.