Ne pas obtenir plus de dotations mais, au moins, ne pas en perdre ! Alors que la création de communes nouvelles avait ralenti à l’approche des dernières élections municipales, le mouvement tarde toujours à reprendre des couleurs.
Après 793 créations de 2016 à 2019, seules 21 ont vu le jour depuis, et le nombre de projets en cours se compte sur les doigts d’une main.
Dans un rapport de 2022, l’inspection générale de l’administration parlait de « perspectives incertaines ». On en est encore là.
Car même si le projet de territoire et la volonté d’offrir un meilleur service public restent le slogan de base, les élus sont frileux à la perspective de percevoir moins d’aides de l’Etat, une fois réunis, qu’ils n’en recevaient séparément.
Sécuriser le regroupement¶
« Pour la création de communes nouvelles, l’aspect financier était un argument ; aujourd’hui, c’est un frein », assure la députée (RE) Stella Dupont, corapporteure avec Stéphane Delautrette (PS) d’une mission flash au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
« Il est possible d’aller plus loin dans l’accompagnement des élus lors de la phase de transition, en particulier dans le domaine financier », assurent les deux parlementaires. Ils appellent l’Etat « à se mettre pleinement au service des élus afin de sécuriser le processus de regroupement », réclament une modulation de certains effets de seuil et une dotation complémentaire d’investissement.
L’exécutif les a en partie entendus, le 7 novembre, en retenant – dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 – une double dotation avec une part d’amorçage et une autre de garantie pour les communes nouvelles de moins de 150 000 habitants.
La première attribue 10 euros par habitant durant les trois premières années d’existence et se substitue à l’actuelle dotation d’amorçage ; la seconde les protège contre toute baisse de dotation globale de fonctionnement (DGF) entre celle perçue l’année précédant la fusion et celle de l’année en cours.
La cohérence du projet
Jean-Marc Vasse, maire (Horizons) de Terre-de-Caux (lire ci-dessous), qui réclamait « [la] garantie qu’on ne sera pas moins bien traité qu’on ne l’était avant de fusionner », était « favorable à ce que cela dure cinq ans ».
A Livarot-Pays-d’Auge (fusion de 22 communes, 6 200 hab., Calvados) et Saint-Sauveur Villages (fusion de 7 communes, 3 500 hab., Manche), Stella Dupont et Stéphane Delautrette ont constaté que les perspectives financières avaient « bien accéléré les velléités de regroupement », en 2016 et 2019, à une époque où les garanties de stabilité de la DGF avaient été prolongées.
S’agissant de Saint-Germain-en-Laye (45 000 hab., Yvelines), qui a fusionné avec Fourqueux, les habitants de la commune déléguée ont été gagnants, avec « une baisse des impôts locaux de l’ordre de 20 % et du prix de l’eau ».
Et Arnaud Péricard, maire (Horizons) de la commune nouvelle, de sourire en constatant qu’en plus de bénéficier « de la police municipale [PM], de la vidéoprotection, des navettes vers le RER ou d’une hausse de l’investissement, le village connaît une montée des prix de l’immobilier ». Pour autant, il persiste : c’est bien « la cohérence d’un projet de territoire » qui a guidé la main des élus.
L’argument financier n’a pas été décisif non plus, en Seine-Saint-Denis, dans la démarche en cours de Saint-Denis (116 000 hab.) et Pierrefitte-sur-Seine (32 000 hab.). Au 1er janvier 2025, elles seront les premières du département à créer une commune nouvelle, la plus grande ville d’Ile-de-France, derrière Paris.
« Il y a bien des sujets financiers, mais que nous sommes en train de résoudre avec l’Etat dans le cadre du PLF, confie Mathieu Hanotin, maire [PS] de Saint-Denis et de la future commune nouvelle. Il y a eu un gros travail d’anticipation, des calages financiers et budgétaires avant d’aborder le niveau de détail. »
Amélioration des services
La motivation affichée par les élus est « de construire un outil efficace, résilient, ambitieux pour répondre aux défis et aux enjeux climatiques des trente-quarante-cinquante ans à venir, et d’être plus efficaces ensemble. Ça se matérialisera rapidement par des améliorations de services et politiques publics, notamment du côté de Pierrefitte ».
Par exemple : extension d’horaires et d’effectifs de la PM, accès gratuit à la cantine et aux centres de vacances, baisse des taux d’imposition, mais aussi une offre de recrutements plus attractive dans les crèches, pour les deux parties. Les deux maires estiment que la fusion, en cas de succès, pourrait générer « un effet d’entraînement » ou, en cas d’échec, porter « un coup d’arrêt » .
L’évolution sera scrutée de près, alors que les trois départements de la petite couronne ne comptent encore aucune commune nouvelle et que, en grande couronne, les exemples réussis dans les Yvelines de Saint-Germain-en-Laye, Le Chesnay-Rocquencourt (fusion de 2 communes, 31 100 hab.) ou Jeufosse et Port-Ville devenus, sans vague, Notre-Dame-de-la-Mer (700 hab.) tardent toujours à faire des émules.
Cet article fait partie du Dossier
Les communes nouvelles, dernière chance pour sauver les communes
1 / 13
article suivantSommaire du dossier
- Les communes nouvelles en quête d’un second souffle
- Les communes nouvelles attendent une sécurisation financière du gouvernement
- Communes nouvelles : histoire d’une révolution silencieuse
- Dans les communes nouvelles, pas si simple de trouver sa place
- Les communes nouvelles en pleine expansion
- Communes nouvelles : cinq points qui font encore hésiter les acteurs locaux
- Communes nouvelles : « C’est la première fois qu’on laisse les élus décider »
- Communes nouvelles : la carotte financière ne doit pas être le seul critère
- Communes nouvelles : la formule gagnante ?
- Communes nouvelles : qui sont les vraies gagnantes ?
- Communes nouvelles : les élus urbains y songent aussi
- Décryptage du nouveau régime des communes nouvelles
- Une commune nouvelle pour rationaliser les procédures et peser dans l’interco
Thèmes abordés