Les émeutes qui ont fait suite à la mort du jeune Nahel, en juin, n’ont pas manqué de rappeler qu’il y a quarante ans un drame similaire avait impulsé une marche pour l’égalité et contre les discriminations, action pacifique de jeunes issus de l’immigration, résidant, pour beaucoup, dans des quartiers populaires. Or quarante ans, c’est aussi l’âge de la politique de la ville, dont les procédures successives ont toutes visé à compenser les inégalités dont souffrent ces territoires. Un anniversaire qui est aussi celui des acteurs concernés : l’association des maires Ville et banlieue, les centres de ressources spécialisés (Labo cités en Auvergne – Rhône-Alpes et Profession banlieue en Ile-de-France pour les plus anciens) ou les régies de quartier, l’un des outils innovants créés dans ce contexte.
Il est grand temps d’analyser l’histoire de cette politique publique unique et pourtant remise en cause à chaque « flambée » des banlieues : voilà l’ambition exprimée par Michel Didier, qui fut professeur d’histoire et éducateur avant de devenir une figure de l’ombre de la politique de la ville, occupant des postes à responsabilité au sein de la délégation interministérielle à la ville jusqu’à la récente Agence nationale de la cohésion des territoires. Aujourd’hui retraité, c’est une nouvelle aventure qu’il démarre en présidant le Comité d’histoire de la politique de la ville, officialisé en avril 2022. La subvention du projet (associatif) a ensuite pâti du remaniement gouvernemental, mais Michel Didier défend une rallonge auprès de l’actuelle secrétaire d’Etat chargée la Ville, Sabrina Agresti-Roubache. Pour lui, il y a urgence à objectiver le sujet.
Après les émeutes de l’été, de nombreuses voix ont fustigé l’utilité de la politique de la ville. Que vous inspirent ces critiques ?
Evidemment, moi qui ai servi cette politique et milité pour elle, je trouve désespérant de constater qu’il y a encore d’un côté ceux qui estiment que les quartiers sont abandonnés et, de l’autre, ceux qui déclarent que l’on y dépense des millions en pure perte. Ces deux visions antagonistes sont fausses. Entre les deux se trouve une réalité à objectiver. De nombreux travaux de sociologues ont été menés, mais très peu de la part d’historiens. Notre but est d’éclairer les décisions politiques, et les citoyens, qui ont une mauvaise image de la politique de la ville. C’est le cas même de jeunes élus locaux, qui ne la voient que par ses dispositifs sans savoir comment elle a été créée ni à quels problèmes elle répond. Donc, oui, il s’agit de la défendre, mais avec de l’objectivation.
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Gazette des Communes, Club Prévention-Sécurité
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