Après plusieurs semaines d’attente, le jour J est enfin arrivé pour le remaniement. Emmanuel Macron et Elisabeth Borne, reconduite à son poste de Première ministre malgré le conflit difficile de la réforme des retraites, ont dévoilé par communiqué la composition du nouveau gouvernement.
Un nouveau casting davantage politique que les précédents. Loin d’être uniquement technique, ce remaniement marque l’entrée au gouvernement de pas moins de huit personnalités et voit le départ de sept autres. Il entraîne aussi un jeu de chaises musicales entre les titulaires de trois ministères de plein exercice. Exit les personnalités de la société civile comme Pap Ndiaye, François Braun, Jean Christophe Combe ou Jean-François Carenco. Place à des personnalités d’expérience comme le maire (DVG) de Dunkerque Patrice Vergriete, la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale Aurore Bergé ou encore le député Modem Philippe Vigier.
Il marque aussi la sortie de Marlène Schiappa engluée dans la polémique du fonds Marianne ou Olivier Klein, l’ex-maire de Clichy qui n’a jamais réussi à imprimer sa marque malgré les émeutes et le lancement du chantier de la décentralisation du logement…
Isabelle Rome, la ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances, est aussi débarquée. Elle n’avait, pourtant, selon les associations du secteur, pas démérité.
Patrice Vergriete, un maire au Logement
Maire de Dunkerque, le nouveau ministre du Logement Patrice Vergriete se définit comme « un professionnel de la fabrique de la ville ». Le CV du successeur d’Olivier Klein plaide en ce sens.
Ce X-Ponts a œuvré au cabinet du secrétaire d’Etat à la ville Claude Bartolone entre 1998 et 2000 avant de diriger l’Agence d’urbanisme de Dunkerque entre 2000 et 2008. Il était président délégué de la Fédération nationale des agences d’urbanisme depuis 2020.
Entré au conseil municipal de la cité nordiste dans le sillage du premier magistrat PS Michel Delebarre, il s’est peu à peu affranchi de son mentor. Patrice Vergriete a tué le père lors des municipales de 2014. Une campagne pour laquelle il a mouillé la chemise. « Je suis allé partout. J’ai frappé à toutes les portes. J’ai usé au total huit paires de chaussures ! », confie l’élu de terrain.
Sorte d’Emmanuel Macron avant l’heure, Patrice Vergriete l‘a emporté sur Michel Delebarre à la tête d’une liste rassemblant les bonnes volontés, au-delà des clivages politiques. Monté en graine grâce au système méritocratique républicain, ce fils d’ouvrier issu d’un quartier populaire se définit néanmoins comme un homme de gauche.
Parmi ses réalisations majeures, la mise en place des transports gratuits qui a dopé la fréquentation des bus dans l’agglomération dunkerquoise. Depuis, Patrice Vergriete a été hissé à la tête de l’Agence de financement de l’infrastructure des transports (AFIT).
Avec son double mètre, l’ancien basketteur à un très bon niveau amateur s’est aussi fait le VRP de son bassin industriel. Des terres qui souffraient à la fois de multiples pertes d’emplois et d’une image altérée par la pollution. « A mon arrivée, on était la ville qui perdait le plus d’habitants », rappelle Patrice Vergriete. Son maître-mot pour redresser la barre ? L’industrie verte.
Avec le concours d’Emmanuel Macron, le patron de la communauté urbaine de Dunkerque a fait pleuvoir les emplois. Usine de giga-batteries pour les voitures électriques, relance du nucléaire : toutes les grandes annonces présidentielles sont passées par chez lui. Près de 20 000 postes, au total, vont être créés dans les prochaines années « Nous avons constitué avec l’Etat une machine de guerre extrêmement puissante », se félicite Patrice Vergriete. Et l’homme fort du beffroi, d’où il lance du hareng à l’occasion du carnaval, de parler, sans modestie excessive, de « miracle dunkerquois ».
Son nouveau défi à la tête du ministère du Logement sera de taille, tant le secteur est en proie à une crise majeure. Les conclusions du Conseil national de la refondation pour le logement, présentées le 5 juin, ont unanimement déçus professionnels du secteur et élus locaux. Olivier Klein avait alors précisé qu’il ne s’agissait que d’un début. Patrice Vergriete va donc d’abord devoir rassurer, alors que de nouvelles coupes pour le budget du logement s’annoncent dans le projet de loi de finances pour 2024.
Une marseillaise pour la politique de la ville
Députée Renaissance de la première circonscription des Bouches-du-Rhône depuis les dernières élections législatives, et porte-parole du parti à l’Assemblée nationale, conseillère régionale spéciale chargée de la lutte contre les violences faites aux femmes et du harcèlement scolaire du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Sabrina Agresti Roubache, productrice audiovisuelle de profession, est nommée secrétaire d’Etat chargée de la ville, auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Un poste qui auparavant avait été relié au logement et confié à Olivier Klein, et qui est pour la première fois rattaché au ministère de l’Intérieur. Marseillaise d’origine, âgée de 46 ans, et élevée dans une des cités pauvres de la ville, cette proche du couple Macron a été l’une des courroies de transmission de l’Élysée pour la préparation du plan Marseille en grand, lancé le 2 septembre 2021 au palais du Pharo.
A l’Assemblée nationale elle a notamment déposé le 20 juin dernier une proposition de loi visant à créer les conditions d’un choc de l’offre de logement en France.
Après les violentes émeutes de juin dernier, et un comité interministériel des villes éclipsé par celles-ci le 30 juin dernier , la nouvelle ministre sera très attendue par les élus de banlieue, après les espoirs déçus qui avaient été placés en son prédécesseur, Olivier Klein. Un nouveau CIV est attendu à la rentrée, sans date pour le moment.
Aurélien Rousseau, le directeur de cabinet d’Elisabeth Borne à la Santé
Trois jours après son départ de Matignon, Aurélien Rousseau rejoint le ministère de la Santé. L’ancien directeur de cabinet de la Première ministre était attendu comme directeur général adjoint de la Caisse des dépôts, mais ce sera finalement l’avenue de Ségur.
Avec un bagage conséquent pour prendre en charge ce ministère central : il était à la tête de l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France durant la crise Covid. Avant cela, ce professeur d’histoire-géographie, encarté au PCF, a fait ses classes politiques dans le cabinet d’un adjoint au maire de Paris.
Il intègre ensuite l’ENA (promo 2007-2009) qui lui permet ensuite de rejoindre les cabinets de Matignon, sous Manuel Valls et Bernard Cazeneuve. Cette forte activité nationale ne l’empêche pas d’avoir un pied dans le local. Il est aussi conseiller municipal de Saint-Hilaire-de-Brethmas (Gard, 4200 hab.).
Thomas Cazenave, un chantre des budgets verts à Bercy
Élu député de Gironde en juin 2022, Thomas Cazenave remplace Gabriel Attal au ministère chargé des Comptes publics. Il est un fidèle d’Emmanuel Macron, et a notamment été son directeur adjoint de cabinet lorsqu’il était ministre de l’économie.
C’est un ancien inspecteur des finances qui rejoint Bercy, et aussi un connaisseur des collectivités. Annoncé comme candidat Renaissance à la mairie de Bordeaux en 2026, il a obtenu 12,69 % des suffrages lors des municipales de 2020 avant de se faire élire député de Gironde.
Il était jusqu’à aujourd’hui président de la « Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation » du Palais Bourbon. Parmi ses faits d’armes, il a porté une loi ouvrant le tiers financement pour la rénovation énergétique, notamment pour les collectivités locales.
La loi a été adoptée à l’unanimité et promulguée au printemps. Il a aussi rédigé il y a quelques semaines une proposition de loi afin de généraliser les budgets verts dans les collectivités, qui n’a pas été déposée.
Thomas Cazenave sera dans le bain immédiatement à Bercy avec le travail autour du projet de loi de finances pour 2024. Il a du pain sur la planche, alors que son désormais prédécesseur a annoncé vouloir présenter « le budget du désendettement vert« . Les associations de collectivités savent à quoi s’en tenir.
Gabriel Attal, un proche de Macron à l’Education nationale
Sa nomination au ministère de l’Education nationale marque son retour rue de Grenelle : en 2018, il avait été nommé secrétaire d’Etat auprès de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale, chargé de la mise en œuvre service national universel.
Il sera ensuite le porte-parole du gouvernement de Jean Castex de 2020 à 2022, et depuis la réélection d’Emmanuel Macron, il était ministre délégué chargé des comptes publics, un maroquin stratégique. Emmanuel Macron a choisi un fidèle de la première heure pour prendre la suite de Pap Ndiaye, nommé en juin 2022, et fragilisé suite à ses propos en soutien aux équipes du Journal du dimanche, et aux critiques visant Vincent Bolloré.
Pap Ndiaye avait su mettre en place un dialogue structuré avec les collectivités territoriales, via une instance de dialogue qui s’est réunie régulièrement, encore le 3 juillet dernier.
Gabriel Attal devra notamment s’atteler à la mise en œuvre des annonces faites par Emmanuel Macron pour l’école à Marseille le 27 juin dernier, comme l’extension de l’accueil des enfants de deux ans à l’école maternelle dans les quartiers prioritaires, le déploiement de nouvelle cités éducatives, la réforme du calendrier scolaire.
Il sera attendu au tournant par les élus locaux qui réclament plus de moyens pour mettre en œuvre ces mesures.
Aurore Bergé, enfin ministre… des solidarités
Elle n’a jamais caché son envie de rentrer au gouvernement. C’est chose faite. Aurore Bergé, l’actuelle présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale depuis 2022 quitte le Palais Bourbon pour l’avenue Duquesne.
Elle devient ministre des solidarités à la place de Jean-Christophe Combe, l’ancien directeur général de la Croix-Rouge française. Issue des rangs de la droite et soutien de Nicolas Sarkozy avant de rejoindre Emmanuel Macron, Aurore Bergé est une historique de la Macronie qui va tenter de remettre sur le devant de la scène ce ministère passé au second plan depuis un an et demi.
Députée de la 10e circonscription des Yvelines depuis 2017, elle a été porte-parole de LREM avant de prendre la tête du groupe parlementaire de la majorité. Entre le report de l’examen de la proposition de loi « Bien vieillir », la mise en place de l’automatisation du versement du RSA pour lutter contre le non recours et le décalage de l’annonce du Pacte des solidarités, les dossiers explosifs en lien avec les collectivités ne manquent pas.
Philippe Vigier aux Outre-Mer
Au ministère des Outre-Mer, Jean-François Carenco laisse la place à Philippe Vigier. Député de la 4e circonscription de l’Eure-et-Loir depuis 2007, il sera l’un des représentants de l’alliance gouvernementale formée avec le MoDem. Ancien maire de Cloyes-sur-le-Loir (Eure-et-Loir) de 2001 à 2017, il a notamment été président du groupe UDI (2014-2017) puis Liot (2018-2020) à l’Assemblée nationale.
Il prend la suite de Jean-François Carenco, ancien préfet (indépendant) du Rhône (2010-2015) et de Paris (2015-2017). En poste depuis le 4 juillet 2022, il était fragilisé depuis plusieurs mois, en raison notamment de ses relations tendues avec son ministre de tutelle, Gérald Darmanin.
Fadila Khattabi aux personnes handicapées
C’est l’une des figures de la réforme des retraites qui est promue au ministère délégué chargé des personnes handicapées. Fadila Khattabi succède à ce poste à Geneviève Darrieussecq.
Elle présidait jusque-là la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Cette ancienne socialiste, vice-présidente du conseil régional de Bourgogne entre 2010 et 2015, est une proche du patriarche de la Macronie, François Patriat. Elle a été élue et réélue député en 2017 et 2022 de Côte-d’Or sous l’étiquette du parti présidentiel.
Les autres changements
A noter, enfin des changements d’affectation. Bérangère Couillard passe du poste de secrétaire d’Etat à l’Ecologie au poste de ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.
Sarah El Haïry, elle, hérite de la Biodiversité après avoir eu dans son escarcelle le service national universel et la Jeunesse. C’est la députée macroniste des Hauts-de-Seine Prisca Thévenot qui va occuper ce dernier portefeuille.
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