L’envolée des prix et les craintes d’une rupture d’approvisionnement en électricité cet hiver ont eu raison des derniers atermoiements. Exerçant pour la plupart dans des communes, 90 % des élus et des agents interrogés en février par Infopro Digital études pour « La Gazette » et l’OPQIBI considèrent désormais que la rénovation énergétique est une priorité dans leur action et 72 % se sont déjà lancés dans cette entreprise.
L’enjeu est double : parvenir à ce que le patrimoine public soit moins « gourmand » en énergie et accompagner les habitants afin qu’ils réduisent, eux aussi, leur consommation. Moins réjouissant, deux tiers du panel des élus et agents connaît ses obligations réglementaires. Les collectivités qui possèdent des logements devront pourtant s’assurer au plus vite qu’ils répondent à des normes de décence amenées à se durcir au fil des ans. Surtout, le dispositif Eco-énergie tertiaire (plus connu sous le nom de « décret tertiaire »), les oblige à programmer et à mettre en œuvre des travaux dans chacun de leurs bâtiments de plus de 1 000 mètres carrés.
L’isolation, action privilégiée
Si la mesure est déjà en vigueur, 26 % des agents et élus concèdent qu’ils ne savent pas s’ils doivent l’appliquer (voir graphiques nos 1 et 2) . Et encore, le chiffre est sujet à caution. Si l’on en croit les maîtres d’œuvre, les collectivités ont tendance à sous-estimer leurs obligations. Ainsi, 46 % de ces répondants jugent qu’elles n’en ont pas pris la mesure (contre 42 % qui déclarent que si et 12 % qui l’ignorent).
Connaître le décret tertiaire n’est, en outre, pas une fin en soi. En effet, parmi la moitié d’agents et d’élus qui se savent concernés, 32 % seulement pensent tenir les objectifs de 2030, c’est-à-dire 40 % d’économies d’énergie. Ils sont à peine plus optimistes sur les cibles fixées à plus long terme : 45 % des sondés imaginent atteindre celle de 2040 (-50 %) et 47 % celle de 2050 (-60 %)… avec des taux importants de non-réponses. Attention, car même si cette transition paraît lointaine, il faut la programmer dès aujourd’hui. C’est bien ce qu’a compris 36 % du panel des collectivités, pour qui la priorité est d’attaquer des travaux de rénovation globale (voir le graphique n° 3).
Toutefois, 40 % d’élus et d’agents veulent démarrer par l’isolation de leurs bâtiments (47 % de ceux des communes de moins de 20 000 habitants). Si cet investissement est le premier geste d’une rénovation par étapes, il peut être vertueux, mais s’il est engagé sans réflexion globale, le risque est de tout devoir recommencer afin de tenir les objectifs de 2040 et de 2050. Autre point de vigilance : 51 % des répondants seulement disent avoir enclenché cette démarche à la suite d’un audit ou d’une étude énergétique externe, qui assurent pourtant que les travaux réalisés seront les mieux adaptés et les plus efficaces possibles.
Les maîtres d’œuvre, eux, sont convaincus à 74 % que leur rôle n’est pas assez mis en avant par les pouvoirs publics ou les souscripteurs, même si les collectivités locales ne sont pas les pires élèves. A leurs yeux, 55 % d’entre elles sont sensibilisées à la rénovation, contre 49 % des bailleurs sociaux, 26 % des services de l’Etat et 8 % des particuliers. Au-delà des économies d’énergie, les collectivités décidées à franchir le pas font état d’objectifs multiples : 94 % estiment « important » et 55 % « très important » de profiter de travaux pour faciliter le recours aux énergies renouvelables (voir le graphique n° 5). Il peut s’agir de se débarrasser de sa chaudière à gaz afin de se raccorder à un réseau de chaleur, de s’équiper d’une pompe à chaleur géothermique…
Les coûts découragent
Si les autres réponses proposées, comme la qualité de l’air intérieur, remportent aussi une bonne partie des suffrages, les appréciations varient selon le rôle des sondés dans la collectivité. Ainsi, la rénovation doit traiter la question du confort d’été selon 88 % agents, mais 76 % des élus. A contrario, ceux-ci plébiscitent des opérations circulaires (88 %), s’appuyant sur les matériaux biosourcés (85 %), quand les agents sont plus circonspects sur ces deux points (76 % et 73 %).
L’étude se penche enfin sur les raisons pour lesquelles les collectivités ne se lancent pas toutes dans la rénovation. D’abord, elle pointe le déficit d’informations, puisque 31 % des sondés expliquent ne pas connaître les aides auxquelles ils peuvent prétendre. Une proportion identique regrette l’insuffisance de pédagogie sur le sujet ou de savoir-faire technique en interne (voir le graphique n° 4).
Ces résultats sont bien en deçà, cependant, des coûts élevés des investissements, qui découragent 83 % du panel. Le manque de moyens et d’aides financières est flagrant pour 68 % des sondés des collectivités, contre 43 % des maîtres d’œuvre, ce qui conforte le fait que certains dispositifs d’aides restent méconnus des communes.
Alors que le gouvernement devrait profiter de la programmation pluriannuelle de l’énergie, attendue dans les prochains mois, pour renforcer la trajectoire de rénovation dans le bâtiment tertiaire, ces données prouvent que les dispositifs d’accompagnement et de soutien demeurent le nerf de la guerre !
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