L’affaire « Rottner » en dit long sur l’inefficacité du régime juridique de la prévention des conflits d’intérêts. Retour en arrière : le 20 décembre, l’élu (LR) Jean Rottner annonçait par voie de communiqué quitter, à la fin de l’année, la présidence de la région Grand Est et « la vie publique ». La raison : « motifs familiaux ». Dix jours plus tard, un autre communiqué, émanant cette fois-ci du cabinet de conseil et promoteur immobilier Réalités, indiquait l’arrivée dans ses effectifs du futur ex-élu… Une déclaration qui ne passe pas chez les élus régionaux, criant au « pantouflage » et à l’« atteinte à la ligne politique de la région et à la sincérité du scrutin régional ». L’un d’eux rappelle que la région est « en pleine révision du Sraddet [schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires] », ce qui implique que Jean Rottner connaît « exactement quelles vont être les modifications de ce schéma, quels sont les atouts et les difficultés des territoires ».
Cas d’école
Cette situation n’est ni plus ni moins qu’un cas d’école de ce que la loi qualifie de « conflit d’intérêts ». D’ailleurs, Jean Rottner avait saisi, le 12 juillet – cinq mois avant d’invoquer des « motifs familiaux » pour justifier son retrait –, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) de la question de savoir si sa reconversion professionnelle était susceptible ou non de faire naître un conflit d’intérêts. Le 6 septembre, la haute autorité lui avait donné son feu vert, estimant qu’elle ne disposait pas d’éléments « de nature à faire douter du respect, par l’intéressé, de l’exigence de prévention des conflits d’intérêts ».
Suivi régulier
Bien sûr, la haute autorité accompagne son avis de compatibilité d’une « réserve », en invitant l’intéressé à, par exemple, « s’abstenir, dans le cadre de son activité privée, d’accomplir toute démarche auprès des élus et des agents de la région Grand Est ». Cette réserve « fera l’objet d’un suivi régulier » pendant trois ans, prévient la HATVP. Oui, mais de quels moyens de contrôle et de contrainte dispose-t-elle pour faire respecter sa réserve ? Aucun n’est réellement dissuasif. Ou comment la réglementation des conflits d’intérêts est une promesse qui n’engage que ceux qui y croient.
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