En juin 2020, alors qu’une manifestation en hommage à George Floyd, ce Noir Américain tué par un agent de police blanc à Minneapolis, réunissait 20 000 personnes à Paris, Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur, confiait au haut fonctionnaire Christian Vigouroux, déontologue du ministère de l’Intérieur, une « mission sur les actes et propos racistes et discriminants au sein de la police ». Ce rapport interne, révélé début novembre par « Mediapart », dresse un constat sévère : il reconnaît explicitement des discriminations au sein de la police et de la gendarmerie nationale. Les rapporteurs estiment que les statistiques existantes sont « probablement sous-évaluées ». « Il faut admettre et constater que dans l’utilisation de leurs prérogatives légales, les forces de sécurité sont susceptibles de comportements inadmissibles, peuvent commettre des infractions pénales », écrivent-ils.
Erigées comme l’un des axes forts de la Stratégie nationale de prévention de la délinquance (2020-2024), les relations police-population ne cessent de se dégrader année après année. Les gouvernements successifs en conviennent : il faut retisser le lien entre la police et la population. Directeur de recherche au CNRS et enseignant à Sciences-po Grenoble, Sebastian Roché voit dans cette fracture grandissante entre police et population l’une des causes du sentiment de non-appartenance à la nation. S’il qualifie le rapport « Vigouroux » de « courageux », il estime qu’« il ne va pas assez loin ». Pour l’auteur de « La Nation inachevée : la jeunesse face à l’école et la police » (Grasset, janvier 2022), il est temps de changer de paradigme et de faire de la lutte contre les discriminations un véritable objectif. Et d’y allouer des moyens à la hauteur des ambitions.
Selon le rapport « Vigouroux », les forces de sécurité se fixent comme objectif de « renforcer la confiance de la population ». Partagez-vous ce constat ?
Quand le rapport prétend que la France a une politique policière visant à gagner la confiance, c’est un contresens ! Cela n’a jamais été un objectif opérationnel. L’idée que la police, par la qualité de son service évalué par la population, va mériter sa confiance n’a jamais été mise en œuvre. En France, c’est encore la vision verticale qui prédomine : la police, parce qu’elle est installée par l’autorité légale, est forcément dans son droit lorsqu’elle agit. Elle est l’Etat – et en France, l’Etat, c’est la Nation –, elle n’a donc pas à rechercher l’approbation de la population. En réalité, cette idée selon laquelle la police doit gagner la confiance de la population n’est aujourd’hui portée que par les polices des démocraties les plus avancées, comme la Grande-Bretagne ou les pays nordiques. Cela suppose de mettre en place une stratégie qui s’appuie sur trois piliers : l’intégrité, l’égalité et la qualité de service. Or, sur ces trois sujets, les forces de sécurité françaises sont mal classées par rapport à leurs homologues européennes.
Aujourd’hui, les dispositifs destinés à mesurer la discrimination à l’intérieur de la police ne fonctionnent pas. Le dispositif « police » a enregistré
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Gazette des Communes, Club Prévention-Sécurité
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