La crise énergétique a pris chair en cette rentrée de septembre. Fini les pronostics, les simulations chiffrées… la hausse des prix de l’électricité et du gaz a provoqué ses premiers dommages concrets dans le monde local avec la fermeture surprise d’une trentaine de piscines. Celle-ci fait suite à une décision de la société Vert marine, qui gère en délégation près de 80 piscines en France, dont le directeur assure, dans nos colonnes, que sa facture énergétique était passée de « 15 à 100 millions d’euros, soit un surcoût hebdomadaire de 1,5 million ». Outre la brutalité et le caractère inédit de cette décision unilatérale d’un délégataire de service public, la fermeture de ces établissements interroge.
Tache d’huile
Aujourd’hui, les piscines, demain, les cantines ? Les collectivités doivent-elles craindre d’autres suspensions de leurs services publics locaux en raison de la crise économique et énergétique ? Ces questions, Léon Duguit les a réglées il y a bien longtemps. Fondateur de « l’école du service public » en droit administratif, le professeur bordelais est notamment à l’origine des lois du service public, formulées par son disciple, Louis Rolland, dans les années 30 : continuité, mutabilité et égalité. Un siècle plus tard, ces lois demeurent et imposent que toute mission de service public soit continue – qu’elle soit gérée en régie ou en délégation. Ne pas s’y conformer, c’est commettre une faute grave. La société Vert marine le sait et devra prochainement répondre de ses actes devant le juge.
Réflexe municipaliste
Mais cette décision prise unilatéralement et sans préavis d’un délégataire a aussi ravivé l’envie de la gestion directe. Véritable serpent de mer, la régie des services publics locaux réapparaît, depuis peu, dans le débat public. Elle a revêtu ses plus beaux atours de sauveuse, garante de la souveraineté, grâce à qui la hausse des prix de l’énergie s’arrêterait miraculeusement à la frontière de la sphère publique française, tel le nuage de Tchernobyl en 1986. A l’heure d’une pénurie de personnel sans précédent, combinée à des finances au plus bas et des coûts qui montent en flèche, les collectivités risquent de prendre cher avec ce réflexe municipaliste.
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