« Dans aucun autre pays il ne serait imaginable que l’Etat ne réunisse pas, en pareil temps de crise, les représentants des collectivités territoriales, qu’il s’agisse des régions, ou des départements, qui ont en responsabilité le développement économique de leur territoire ». Alain Rousset, président de l’ARF, invité du congrès de l’Assemblée des départements de France (ADF) qui se tient jusqu’au 30 octobre à Orléans, a donné le ton à la tribune.
Le problème, c’est l’Etat local
Le table ronde sur la réorganisation des compétences entre niveaux de collectivités a tourné à l’attaque rangée contre l’Etat, qu’il s’agisse du niveau central ou local. D’un avis très largement partagé, et ça ne date pas d’aujourd’hui, les édiles locaux considèrent que le premier échelon à supprimer, ou à épurer, c’est bien l’Etat local. Non sans quelques contradictions d’ailleurs. Car nombre d’interventions s’en sont pris à la Révision générale des politiques publiques (RGPP), qui apparaît pourtant comme une tentative vigoureuse de réforme, de l’Etat local en particulier.
Ainsi, alors que la réorganisation des services de l’Etat au niveau régional constitue une des idées force de la RGPP, Jacqueline Gourault, vice-présidente de l’AMF a-t-elle fait valoir son attachement à la présence des services de l’Etat au niveau départemental, pour leur connaissance fine du territoire et les relations de proximité nouées avec les élus locaux… Mais pour la majorité des intervenants la RGPP, dont l’esprit et les objectifs de rationalisation sont « louables », ne constitue pas une véritable réforme de l’Etat local.
Quelles compétences ? Pour quel niveau de collectivité ?
« Il faut que l’Etat cesse d’être opérateur là où les collectivités exercent les compétences, c’est la seule condition pour qu’il joue réellement son rôle de garant de la cohésion nationale. S’il ne cesse d’intervenir, il va bloquer le pays », a déclaré Alain Lambert. A la tribune du congrès de l’ADF, le sénateur (UMP) de l’Orne a indiqué qu’il avait évolué sur la question de la clause générale de compétence, dont bénéficient les départements et les régions et que son rapport suggérait de supprimer. « Je suis conscient qu’une telle mesure équivaudrait, dans les domaines concernés, à une véritable interdiction pour les autres niveaux d’intervenir, cela créerait trop de frustrations », a-t-il indiqué. Il se dit donc partisan de la définition, à chaque début de mandat, d’une clarification de l’attribution des compétences entre régions et départements dans chaque territoire. « Le couple commune-interco doit être associé à cette discussion », a fait valoir Jacqueline Gourault, qui considère, pour sa part, qu’une clarification des compétences demeure nécessaire.
Sur cette question, les élus départementaux n’ont pas caché leur regret profond de ne pas être « désirable » au sein du comité Balladur mis sur pied pour formuler des propositions. Nombre d’entre eux siègent toutefois au sein de la commission Larcher au Sénat.
L’articulation des périmètres intercommunaux et cantonaux a également été évoquée, chacun plaidant une nouvelle fois pour leur rationalisation.
Les départements s’invitent au débat
Mais les départements ne comptent pas laisser le débat se dérouler sans eux. Ils feront très prochainement leurs propres propositions sur la réforme des collectivités territoriales, parallèlement à celles que prépare le comité Balladur a annoncé le vice-président de l’Association des départements de France (ADF), Michel Dinet (PS, Meurthe et Moselle).
Un séminaire aura lieu le 17 décembre, réunissant les 102 présidents de conseils généraux pour étudier ces différentes propositions, a dit M. Dinet devant le congrès de l’ADF.
Son objectif sera « de peser dans le débat par une position unanime co-portée par l’unanimité de nos départements », a indiqué Michel Dinet chargé d’une mission de réflexion sur la réforme territoriale.
L’ADF, a-t-il rappelé, avait déjà élaboré un projet lors de son précédent congrès à Marseille dans lequel elle proposait notamment la poursuite de la décentralisation.
Pour Michel Dinet, « la vraie question qui se pose à nous est celle de la lisibilité, ou plutôt de l’efficacité dans la lisibilité de l’action des collectivités locales » dans les compétences exercées, dans les recettes fiscales, et dans l’identification des responsables.
« Les régions ont besoin d’une place européenne plus affirmée. Dans le même temps, les départements doivent renforcer leur apport au niveau de la vie quotidienne et des solidarités, tant en direction des habitants qu’en direction des territoires de proximité », a-t-il estimé.
De son côté, le président de l’Association des Régions de France (ARF), Michel Rousset (PS, Aquitaine), a proposé la formation d’une commission regroupant l’ADF, l’ARF, et l’Association des Maires de France (AMF).
Critique des banques
Dans ce contexte, la crise financière a également été largement évoquée, de nombreux élus déplorant, en marge du congrès, le forcing des banques auprès des directeurs financiers puis auprès des élus en cas de besoin, pour vendre des produits structurés. En l’occurrence, Claude Bartolone, président (PS) du conseil général de Seine-Saint-Denis, a annoncé son intention d’ester en justice contre les banques. « Elles auraient dû nous avertir qu’au-delà de 50% de produits structurés au sein de notre dette, nous prenions des risques inconsidérés », fait valoir l’élu. Ce dernier estime également que la DGCL, si vigilante sur les recettes des collectivités locales, sur leur fiscalité en particulier, aurait également dû exercer davantage son contrôle sur les dépenses des collectivités. « Les risques liés à ces produits financiers toxiques, non provisionnés, aboutissent à des budgets insincères », estime Claude Bartolone.
Thèmes abordés