Lorsque l’on déchiffre les différents tableaux issus du rapport d’activité juridictionnelle rendu par le Conseil d’Etat pour l’année 2010, on s‘aperçoit que plus de la moitié des affaires (57%) ont été jugées par ordonnances, c’est-à-dire par une formation en juge unique. En effet, presque 5 000 requêtes (4 946 exactement) ont été le fruit d’une décision prise par une seul juge contre 3 677 jugées en formation de 3 juges et seulement 39 en assemblée.
Juge unique, juge inique ? –Le recours majoritaire au juge unique compromet l’idéal d’une justice rendue collégialement. Bien sûr, le contexte actuel démontre une insuffisance chronique de magistrats à laquelle s’ajoute une abondance toujours accrue du contentieux, néanmoins, le recours massif au juge unique n’est pas une solution de justice satisfaisante.
Isolé – La justice ne peut être rendue par un seul homme, isolé de ses pairs. Un juge isolé est un homme qui doute mais qui ne peut bénéficier de l’aide, de l’expérience et même de la hiérarchie de son corps. Le débat récurrent sur la solitude du juge d’instruction en matière pénale confirme ces critiques.
Risque d’erreur – Le juge unique ne peut user du délibéré pour confronter son appréciation. Il décide seul, sans concertation de ses pairs. De plus, il doit décider vite. Les procédures ayant recours à la formation à juge unique sont des procédures urgentes où les décisions doivent être prises parfois en 48 heures.
Enclin à la partialité ou au manque d’indépendance – C’est un juge exposé qui ne peut se retrancher derrière le caractère collectif de la décision. Il peut ainsi faire l’objet de pressions et rendre la justice en se fondant sur des critères subjectifs et donc partiaux. Le juge unique est également plus exposé au contexte médiatico-politique dans lequel il rend sa décision. Il peut être influencé et suivre indirectement les directives politiques en cours notamment dans le contentieux relatif à la reconduite à la frontière.
Références
Domaines juridiques