De l’échec retentissant d’Autolib à la reprise en main de Nice sur tous ses services (eau, parkings, cantine, transports et piscine), en passant par la résiliation anticipée de contrats par Cannes ou Béthune : le privé serait-il en mauvaise posture face aux collectivités ? Les chambres régionales des comptes (CRC) font régulièrement la lumière sur les dérives financières des délégations de service public (DSP). En juin 2019, par exemple, la CRC de Nouvelle-Aquitaine attaquait la gestion de l’aéroport de Poitiers par Vinci Airports, parlant de « conditions financières […] à l’avantage exclusif du délégataire ». Ce contrat d’exploitation cumule les tares : déséquilibre financier, absence de risque et forte rentabilité pour le privé, face à des investissements importants de la part de l’autorité délégante. La CRC d’Ile-de-France évoquait les charges excessives facturées par Veolia sur le contrat du Syndicat des eaux d’Ile-de-France en 2017.
Ailleurs, comme l’écrit en 2012 le cabinet d’avocats Seban et associés dans une note intitulée « Nécessité et limites du contrôle des délégataires », le juge des comptes publics pointe l’opacité financière des délégataires, entretenue par des rapports annuels tardifs ou inexistants et une mauvaise qualité des informations transmises à la collectivité. Mais une DSP qui dérive, c’est également Béthune qui paie 400 000 euros par an à Q-Park sur l’exploitation du stationnement. Et c’est Cannes qui résilie un contrat de trente ans, jugé beaucoup trop long.
« Ce qui n’est pas contrôlé dérive, en régie ou en délégation de service public, assure un contrôleur de gestion publique au sein d’une grande collectivité locale. Chaque agent de la collectivité doit se sentir responsable du premier euro d’argent public dépensé. Mais, en DSP, l’enjeu se compte en millions d’euros ! » Or, dans une enquête menée par l’Association des communautés de France, publiée en septembre, seulement 23 % des agents interrogés associent « l’optimisation des ressources financières de la collectivité » à la notion de « performance » du service public.
Il ne faut pas compter sur le privé
« Certaines collectivités ne font même pas le minimum, estime Marie-Thérèse Sur-Le Liboux, avocate en droit public, spécialiste des DSP, au côté parfois des collectivités, parfois des entreprises. Si l’on oublie la moitié des éléments importants dans le contrat, il ne faut pas compter sur le privé pour tisser la corde par laquelle il va être pendu ! » Qu’il s’agisse de l’eau, du périscolaire, des transports, d’un aéroport ou du stationnement, les risques sont inhérents à la délégation de service public. Pour les contourner, la collectivité doit garder le contrôle – politiquement, techniquement, juridiquement, financièrement – et monter en compétences.
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Délégations de service public : comment éviter les dérives
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- DSP : les collectivités doivent garder le contrôle
- DSP : Opacité, surcoûts, manque à gagner… autant de risques à anticiper
- Le suivi des DSP, un travail de longue haleine
- « Piloter, c’est avoir une feuille de route précise et des éléments d’évaluation »
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