En mai dernier, la Cour des comptes avait secoué le monde de l’économie mixte avec le rapport sur les risques et les dérives dans les sociétés d’économies mixtes : faiblesse du contrôle des collectivités actionnaires, manque de transparence, notamment sur les filiales, pouvant entraîner des risques financiers pour l’actionnaire public, ou dérives des rémunérations au sein de la société.
En congrès à Strasbourg du 8 au 10 octobre, la fédération des Entreprises publiques locales (EPL) a présenté son « livre blanc », paraphé par les associations d’élus, afin de répondre, en partie, aux critiques du juge des comptes publics.
Un élu de l’opposition au conseil d’administration
Le livre blanc rappelle un certain nombre de règles, déjà mises en œuvre localement et devant être généralisées. Concernant la gouvernance, elle préconise notamment de prévoir un poste d’administrateur pour un ou élu de l’opposition, afin que celle -ci soit systématiquement représentée dans les instances de gouvernance de l’entreprise.
« Nous le faisons depuis longtemps à Paris, assure Frédérique Calandra, maire du 20e arrondissement, présidente de la SEM Régie Immobilière de la Ville de Paris et présidente de la commission logement au sein de la Fédération. Elle ajoute : « Il y a toujours une image négative associée aux SEM, elles sont mal aimées. Le livre blanc doit nous aider à répondre aux soupçons, en généralisant les bonnes pratiques. »
Par contre, la fédération n’a pas souhaité instaurer « un droit d’interpellation de la SEM » pour tous les élus. « Si l’opposition a un membre au sein du Conseil d’administration, c’est à lui de faire un retour aux membres du groupe, explique Jean-Marie Sermier, président de la fédération. Si le représentant ne fait pas le job, c’est un problème interne au groupe ! »
La fédération préconise aussi de « désigner un vice-président ou un adjoint en charge des EPL » au sein de la collectivité et de créer un service dédié à leur suivi, avec la publication d’un rapport annuel sur la situation de toutes les EPL dont la collectivité est actionnaire.
A propos des rémunérations, elle conseille simplement la mise en place d’un « comité des rémunérations » chargé de formuler un « avis consultatif sur la rémunération des fonctions dirigeantes au sein des EPL et de leurs filiales. »
Création de filiales : accord des assemblées obligatoire
Concernant les évolutions législatives et réglementaires, la Fédération demande notamment d’inscrire « l’obligation d’un accord préalable des collectivités locales actionnaires sur la prise de participation dans une nouvelle société » Ce qui permettrait aux élus de connaître précisément les engagements financiers et juridiques de leur collectivité dans des filiales et sous-filiales. Le livre blanc demande aussi l’extension du « régime du mandataire aux filiales » Pour que l’élu représentant la collectivité ait un droit de regard et un contrôle des activités des filiales.
Le livre blanc demande aussi que le contenu du « rapport du mandataire » soit précisé dans le Code général des collectivités territoriales. Cela répond à une demande la Cour des comptes qui estimait que le rapport était parfois trop pauvre en information pour informer réellement les assemblées délibérantes. La Cour demandait aussi qu’un débat obligatoire soit institué au moment de la présentation du rapport, ce que n’a pas retenu la fédération.
Par contre elle demande à instaurer une obligation de présentation des rapports des Chambres régionales des comptes, ou de la Cour, devant les instances de gouvernance de la société (conseil d’administration et/ou conseil de surveillance), ainsi que du rapport sur les actions engagées suite aux recommandations du juge des comptes public. La fédération appelle le gouvernement à se saisir du sujet afin d’avancer sur ces évolutions législatives et sollicite un entretien avec le Premier ministre à ce propos.
Verser des dividendes pour attirer le privé
Au détour du livre blanc, la proposition tient en trois lignes mais elle est majeure : la fédération préconise à ses adhérents de « recourir à la possibilité de verser des dividendes lorsque les actionnaires l’estiment opportun, comme le font déjà 13 % des EPL ». Pour Jean-Marie Sermier, « pour avoir, et garder, des partenaires privés c’est une évidence. Et ces dividendes profiteront à tous les actionnaires, publics compris ! »
Mais n’y a t-il pas un risque de raviver les soupçons sur le bien fondé des EPL ? Alors que la fédération s’est doté du slogan « Servir le public », la distribution de dividendes ne risque t-elle pas d’aiguiser les appétits, vers plus de profits ? A l’opposé de l’argument massue, maintes fois repris par les élu.es pour défendre leur SEM ou SPL, à l’image de Frédérique Calandra lors d’un atelier pendant le congrès : «Nous ne sommes pas là pour dégager des marges bénéficiaires. Le bénéfice doit être réinvesti dans la société, au service du public ! » Pour l’instant.
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