Directrice d’un établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD), une attachée territoriale a été révoquée par la communauté d’agglomération gérant cet établissement. Si en première instance, le juge a annulé cette révocation, en appel, la Cour a annulé le jugement et la demande d’annulation de la révocation présentée par l’intéressée qui s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.
Pédagogique, le Conseil d’Etat a d’abord précisé qu’en tant que juge de cassation, il ne lui revenait pas en principe d’apprécier le caractère proportionné ou non d’une sanction disciplinaire… sauf si la sanction choisie par l’administration s’avérait « hors de proportion avec les fautes commises ». Tel était bien le cas en l’espèce.
Nécessaire discrétion
Après l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre, un collectif de soutien à la directrice de l’EHPAD a été constitué, son existence relayée par la presse locale. En retour, la communauté d’agglomération a alors choisi de rendre publique son appréciation sur le comportement de l’intéressée, publiant sur le site internet de la collectivité, les motifs qui avaient conduit à la sanction d’exclusion temporaire prononcée précédemment et mettant en cause les qualités de gestionnaire et les mérites de l’intéressée ainsi que sa probité. Ces critiques ont ainsi été relayées dans diverses enceintes publiques. La communauté d’agglomération a cherché à donner encore un plus large écho à sa présentation de la situation en transmettant à la presse locale un faux courrier des lecteurs, élaboré par ses soins, qui encourageait à consulter le site de la collectivité.
C’est ensuite l’intéressée qui a fait publiquement état de ses difficultés avec son employeur, dans le cadre d’articles de presse parus notamment dans divers médias locaux et régionaux, ou par le biais de présentations sur des sites internet. Son collectif de soutien a mis en ligne un site internet mettant en cause la communauté d’agglomération et certains de ses dirigeants et cadres de manière déplacée et injurieuse, notamment par la publication d’une bande-dessinée mettant en cause des élus et membres de la collectivité publique et par la diffusion d’un film présentant explicitement la gestion du personnel de la communauté d’agglomération comme acculant ses agents au suicide.
Mais relevant les qualités de directrice d’établissement de l’agent, attestées par les nombreux témoignages convergents, émanant de personnes hébergées et de leurs familles, des personnels de l’établissement, et d’homologues de l’intéressée, le Conseil d’Etat considère que compte tenu de la médiatisation de l’affaire par la collectivité, la révocation litigieuse est bien hors de proportion avec les fautes commises par l’agent, le conduisant à pouvoir apprécier lui-même le caractère proportionné ou non de la sanction litigieuse.
Certes, le comportement de l’intéressée a constitué une faute et traduit une perception défaillante de ses obligations, mais elle a également fait preuve de qualités professionnelles reconnues par ses pairs, par les agents de l’établissement qu’elle dirige et par les résidents eux-mêmes. En outre, son comportement fautif s’inscrit dans un contexte de tensions dont l’exacerbation et la médiatisation sont en l’occurrence en partie imputables à la communauté d’agglomération. Dans ces conditions, l’autorité disciplinaire, qui disposait d’un éventail de sanctions de nature et de portée différentes, a en faisant le choix de la révocation qui met définitivement fin à la qualité de fonctionnaire, prononcé à l’encontre de l’agent, une sanction disproportionnée.
Par cette solution marquée du sceau de la sagesse, le Conseil d’Etat rappelle que l’autorité administrative doit aussi faire preuve de discrétion et préserver un climat de sérénité y compris lorsqu’elle engage une procédure disciplinaire à l’encontre d’un de ses agents.
Références
Domaines juridiques