Marseille, l’indomptable contre laquelle Louis XIV dirigea ses canons, ne faillit pas à sa réputation. Le premier rassemblement des élus pour les libertés locales, ce 26 septembre 2018 dans la cité phocéenne, vire vite au réquisitoire contre le pouvoir central. Les oreilles d’Emmanuel Macron sifflent quand le leader de l’Association des maires de France François Baroin (LR) s’en prend au « populisme d’Etat ». Un cocktail à base d’attaques contre « le clientélisme » des édiles et les « syndicats d’élus ». Le ton est donné.
Très en verve, le patron de l’Assemblée des départements de France (ADF), Dominique Bussereau (Ex-LR) cite Madelon dans « Les précieuses ridicules » : « Hors de Paris, il n’y a point de salut ». Un leitmotiv qui, selon l’ancien ministre, sert de bréviaire à la Macronie. « Les précieuses ridicules sont revenues aux affaires », lance-t-il, devant un auditoire conquis.
Au coeur du Palais du Pharo, la lumière est tamisée, les spots ciselés et les jingles très calibrés… Mais le propos se fait toujours plus musclé. Des coupes dans les emplois aidés à la fin de la taxe d’habitation, en passant par la note salée des mineurs étrangers, les édiles ne décolèrent pas. Furieuse contre le transfert d’une partie de sa compétence apprentissage aux branches professionnelles, Régions de France est particulièrement remontée. A la veille de son congrès, son président (UDI) Hervé Morin prévient : « Nous sommes dans un meeting politique avec des militants de la démocratie pour défendre nos territoires auxquels nous consacrons toute notre vie et parfois plus. »
Réforme fiscale : haro sur le jeu de bonneteau
Les trois principales associations d’élus mettent en sourdine leurs querelles de chapelle. A la tribune, leurs représentants le disent haut et fort : le Gouvernement n’enfoncera pas un coin entre eux. Pas question, prévient François Baroin, de se prêter au jeu de bonneteau de la réforme fiscale. En jeu : le transfert de la part départementale de la taxe sur le foncier bâti aux communes. « Nous n’irons pas en tête de gondole de cette opération », martèle le président de l’AMF.
Au premier rang, le numéro 1 de l’ADF Dominique Bussereau boit du petit lait. Si, pour les élus, le gouvernement divise pour mieux régner, c’est aussi parce qu’il ne sait pas où il va. « Nous en serons bientôt au sixième scénario de réforme fiscale en sept mois », cingle le patron du Sénat, Gérard Larcher. Le président du grand conseil des communes de France en profite pour demander une réforme en profondeur de la Conférence nationale des Territoires. « On ne peut plus continuer comme ça », juge-t-il à propos du cercle de dialogue Etat-collectivités, boycotté par les trois principales associations d’élus qui le comparent à une chambre d’enregistrement. Pour François Baroin, l’enjeu est immense. « Si on ne réussit pas à se faire entendre par un Etat impuissant, il y aura des revendications fédérales », met-il en garde.
Une arme de guerre : Territoires unis
Dans la cité phocéenne, le mouvement de grogne franchit des sommets. Fruit de la réunion du 26 septembre, la toute nouvelle association Territoires unis revendique le soutien du bureau unanime de l’Association des maires de France, de 96 présidents de département et de la quasi-totalité des patrons de régions. Un cénacle de 1 200 élus qui penche plutôt à droite. Mais les leaders du PS à l’AMF, à l’ADF et à Régions de France, André Laignel, André Viola et François Bonneau en font aussi partie. Quant à la maire socialiste de la capitale, Anne Hidalgo, elle encourage le mouvement.
Unique en son genre dans l’histoire des associations d’élus, Territoires unis possède déjà un corps de doctrine : « L’appel de Marseille ». Un texte, lu par un comédien à la tribune, qui fait feu sur « l’ultra-centralisation » d’un « Etat thrombosé ». Une manière de rappeler les mannes du père de la décentralisation, Gaston Defferre, qui, premier magistrat de la cité phocéenne 33 ans durant, n’était pas le dernier à batailler contre les bureaux parisiens.
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