Alors qu’un consensus prévaut entre le Gouvernement et les élus locaux en faveur d’une pause en matière de réforme territoriale, le comité Action publique 2022 (CAP 22) veut redistribuer les cartes. En bonne place dans son rapport : des transferts massifs au profit des intercommunalités et des régions.
Dans ses conclusions complètes, révélées le 20 juillet 2018 par un syndicat, le cercle d’experts, de hauts fonctionnaires et d’élus s’attaque à une compétence traditionnelle des communes depuis plus d’un siècle : l’école. Le dernier bastion de l’action publique de proximité. Un dossier explosif.
La République au village sur la sellette
« Au niveau maternel et élémentaire, nous préconisons de transférer les compétences scolaires et périscolaires au niveau intercommunal, afin d’assurer une meilleure péréquation et une plus grande équité dans la répartition des moyens sur le territoire », n’en recommande pas moins CAP22 à l’adresse du Gouvernement.
Si, face au manque d’élèves en milieu rural, les municipalités unissent de plus en plus leurs forces, ces rapprochements n’ont rien d’obligatoire. Attaché à la souveraineté communale, le président délégué de l’Association des maires de France André Laignel (PS) entend qu’il en reste ainsi. « Nous sommes tout à fait opposés à des transferts automatiques », martèle-t-il. Pas question pour lui de toucher au symbole ultime de la République au village.
Membre du Comité action publique 2022 et président, à l’Assemblée, de la délégation aux collectivités et à la décentralisation, le député marcheur du Gers Jean-René Cazeneuve relève, de son côté, que « les maires ne s’accrochent pas bec et ongles à leur école ». « Les réseaux pédagogiques intercommunaux se développent. Cela peut mieux répartir la carte scolaire », se réjouit ce militant de l’égalité des chances entre élèves. Pour autant, Jean-René Cazeneuve écarte tout transfert automatique. Hostile aux décisions « prise d’en haut », le président de de la délégation aux collectivités et à la décentralisation préfère le droit à la différenciation, inscrit dans la révision constitutionnelle.
Interrogé dans le cadre d’un dossier à paraître à la rentrée dans nos colonnes, le délégué général de l’Assemblée des communautés de France Nicolas Portier tient un discours proche. Sans prôner un transfert généralisé aux EPCI, il relève que « l’intercommunalité nouvelle génération, avec ses actions culturelles et sportives et son implication dans une communauté éducative territoriale, peut jouer pleinement son rôle ».
Depuis 2013, la coûteuse réforme des rythmes scolaires pousse à la mutualisation. « La Cour des Comptes se montre très incitatrice dans son rapport qui sortira à l’automne sur la question scolaire », révèle Nicolas Portier. « Nous, nous restons très prudents », ajoute-t-il aussitôt.
Le permis de construire des maires en question
Après les lois MAPTAM et NOTRe de 2014-2015, l’intercommunalité a définitivement la côte. C’est particulièrement frappant au chapitre urbanistique. CAP 22 entend ainsi confier aux EPCI à fiscalité propre l’instruction et la délivrance des permis de construire. Une compétence à la fois stratégique et ultra-politique que les maires exercent depuis les premières lois de décentralisation.
Mais, pour CAP22, ce système est à bout de souffle. « Afin de libérer l’offre foncière », le comité souhaite « faire de l’échelon intercommunal le niveau opérationnel de l’ensemble des politiques locales d’urbanisme et de logement, et notamment de l’instruction et la délivrance des permis de construire. » Le président de de la délégation aux collectivités et à la décentralisation Jean-René Cazeneuve relève que le projet de loi ELAN, en cours d’examen devant l’Assemblée prévoit déjà de tels transferts dans le cadre des grandes opérations d’urbanisme. Des mesures auxquelles s’oppose l’Association des maires de France.
Mais aux yeux de CAP22, les collectivités supra-communales ont définitivement fait leurs preuves dans ce domaine. Aussi, préconise-t-il l’octroi de « la compétence en matière de l’aide à la pierre au niveau régional ou métropolitain ». Un mouvement qui a vocation à « s’accompagner du transfert de responsabilité du droit au logement opposable et de l’hébergement ».
Ferroviaire : quid des contrats de plan ?
Une opération qui doit, selon le Comité, faire l’objet d’un traitement spécifique en Ile-de-France. CAP22 n’en dit pas plus, visiblement soucieux de ne pas trop s’aventurer dans le dossier institutionnel de la région-capitale, en panne depuis le début de l’année.
Le Comité se montre plus volontariste sur le volet ferroviaire. Dans la foulée de la réforme gouvernementale, il souhaite donner aux régions de nouvelles prérogatives. Il s’agit notamment de leur « transférer la responsabilité totale du financement du réseau ferroviaire d’intérêt régional en arrêtant les cofinancements dans le cadre des contrats de plan Etat-régions ». Une proposition qui, pour l’heure, n’a guère reçu d’échos. Abonnés depuis des années aux coups de Jarnac financiers de l’Etat et de la SNCF, les élus régionaux ont tendance à se montrer méfiants…