Le Sénat, une incongruité dans la France des villes ? Alors que plus de 8 Français sur 10 vivent dans une aire urbaine d’après l’INSEE, la chambre haute représente toujours beaucoup plus les territoires ruraux. Ce phénomène pourrait toutefois évoluer avec la baisse du nombre de sénateurs prévue dans la réforme institutionnelle.
Cet écart entre villes et ruralité s’explique d’abord par les modalités d’élection des sénateurs qui entraînent de fait une surreprésentation des petites communes.
Un exemple très concret de cette situation : 100 communes de 100 habitants (soit 10 000 habitants) fournissent 100 grands électeurs alors qu’une commune de 10 000 habitants fournit seulement 33 grands électeurs, soulignent ainsi nos confrères du Monde.
Un nouveau mode d’élection qui a peu changé la donne
Le poids des territoires ruraux semble en tout cas justifié pour la plupart des parlementaires. « C’est important que les sénateurs, qui représentent les territoires, ne soient pas liés qu’au seul aspect démographique, comme à l’Assemblée », souligne ainsi Mathieu Darnaud au micro de Public Sénat.
« Il faut prendre en compte l’ampleur des territoires. L’Ardèche a 330 communes, 330 000 habitants. Il faut 4 heures pour aller du sud au nord avec des territoires qui représentent l’hyper-ruralité », juge celui qui est également secrétaire général adjoint des Républicains en charge des élus locaux.
La situation a pourtant déjà évolué. La loi relative au mode d’élection des sénateurs de 2013 a ainsi permis de combler, en partie du moins, la faible représentation du monde urbain au Palais du Luxembourg.
Un grand électeur supplémentaire est désormais désigné à chaque tranche de 800 habitants dans les communes de 30 000 habitants ou plus.
Ce changement législatif n’a toutefois pas mis fin à la sous-représentation des départements les plus urbanisés.
Le critère démographique, peu pertinent pour les sénateurs
Et pour cause. Jean-Pierre Sueur, le vice-président (PS) de la commission des lois au Sénat a rappelé à plusieurs reprises la complexité de la question de la représentativité des sénateurs en fonction de la population.
En effet, une décision du Conseil constitutionnel en 2010 a posé l’impossibilité de s’écarter de plus ou moins 20% de la moyenne de représentation de chaque élu au sein de l’assemblée territoriale au nom de « l’égalité devant le suffrage ».
Cette prise de position intervenait alors dans le cadre de la réforme du conseiller territorial qui n’a donc jamais vu le jour.
Une évolution délicate voire impossible ?
La jurisprudence de la rue Montpensier fait également dire à Jean-Pierre Sueur qu’il ne sera « pas évident de rendre compatible la baisse du nombre de parlementaires », à l’ordre du jour du toilettage des institutions, avec cette décision.
Edouard Philippe s’est, pour l’instant, bien gardé de donner des indications précises sur les manœuvres à venir. Le projet de loi organique prévoit bien un redécoupage des circonscriptions pour parvenir à 244 sénateurs (contre 348 aujourd’hui).
Mais les modalités du contour de chacune d’entre elles sera précisé par ordonnances, « sur une base essentiellement démographique ». Un sujet qui laisse prévoir quelques accusations de « tripatouillage »… et un éventuel rééquilibrage entre les territoires.
Thèmes abordés