Montpellier ou Toulouse, les deux grandes métropoles de la nouvelle région Occitanie ont fait partie des pionnières de l’opendata en France, et le premier président de l’association Opendata France, Bertrand Serp, était même un élu toulousain. Mais l’ouverture des données publiques n’avait pas, jusque là, conquis les élus régionaux. C’est même la préfecture de région (Midi-Pyrénées, puis Occitanie) qui avait pris la tête du mouvement, dès 2016, et participé à l’expérimentation open data locale.
Le conseil régional est enfin monté dans le train. Le 30 juin dernier, il décide, par un vote en assemblée plénière, de rejoindre l’expérimentation. Et depuis, il affiche clairement ses ambitions. Fin 2017, il lance un appel d’offres d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour déployer l’open data de, et dans, la région, sur trois ans (pour un montant maximal de 180 000 euros). « Nous voulions positionner la région sur l’opendata, mais de manière sérieuse, surtout pas pour en faire un élément marketing », explique Bertrand Monthubert, conseiller régional délégué à l’enseignement supérieur et la recherche.
Levier d’innovation interne
La mission est divisée en deux lots, qui couvrent deux démarches bien différentes. Tout d’abord, premier volet, le déploiement de l’open data au sein du conseil régional. « Ce dont je suis totalement convaincu, c’est que c’est un levier d’innovation au sein de notre organisation, affirme Bertrand Monthubert. L’ouverture des données est un élément intéressant pour les agents même de la structure, qui ne savent pas nécessairement tout ce qui s’y passe, tant la région est grande. Nous avons d’ailleurs créé une direction de l’innovation publique, avec laquelle la démarche open data est totalement corrélée.»
« Les enjeux sont organisationnels, confirme Pierre Trilles, responsable du service Information géographique et ouverte à la direction des systèmes d’information : la donnée, il y en a partout, mais de quelle qualité, avec quel pilotage de cette qualité ? » Pour répondre à ces questions, il faudra se plonger dans le système d’information du conseil régional, pour identifier « dans quelles mesures il est compatible avec l’ouverture des données, précise-t-il. En réalité, nous devrons conduire plusieurs audits de front, car nous possédons concrètement plusieurs SI, et ouvrir les délibérations n’est pas la même chose qu’ouvrir des données patrimoniales ou des données de transport ». Sans parler de l’identification des données qui devront « faire l’objet de traitement : anonymisation, traitement qualitatif, de format… pour être ensuite mises dans une chaîne de publication qui devra être outillée ».
En tout cas, « nous avons un souci d’industrialisation : il n’est pas question de pousser des fichiers excel, ou des fonds cartographiques isolés, sans que nous ayons prévu l’automatisation des mises à jour », conclut Pierre Trilles.
Susciter les coopérations, éviter les compétitions
Deuxième volet : créer un dispositif d’animation de l’open data fédérant les collectivités locales du territoire régional, voire d’autres acteurs. « Je suis convaincu que nous avons tout à gagner dans la coopération, et tout à perdre dans la compétition entre les institutions, argumente Bertrand Monthubert. Soit on progressera tous ensemble parce qu’on mutualisera les énergies, les compétences, voire les technologies, soit chacun cherchera à tirer la couverture à lui, auquel cas on n’avancera pas beaucoup ».
Dans une région où les grandes métropoles ont un coup d’avance, et où certains départements, comme celui de Haute-Garonne, se sont déjà positionnés dans un rôle d’accompagnateur des collectivités de leur territoire, la mission demandera du doigté. « Notre vision du chef de filat, n’est pas d’être le chef, mais d’animer, de travailler avec les différents acteurs pour que la synergie opère », assure l’élu, qui connaît bien la diversité des acteurs pour avoir été le président de l’Université Toulouse-III-Paul-Sabatier. « Sur ce sujet, poursuit-il, les économies d’échelle peuvent être très fortes. Il y a de vrais gains financiers à travailler ensemble. Pour croiser les données, cela suppose également de s’être mis d’accord sur des formats partagés, donc, à nouveau, de jouer sur l’intelligence collective.»
Une stratégie globale de la donnée
La région voit en réalité déjà plus loin, ainsi que l’explique Bertrand Monthubert : « Cette dynamique s’inscrit dans une structuration du big data et de l’intelligence artificielle dans la région, d’un point de vue académique, et économique. Notre région produit beaucoup de données par le biais de ses industries, de ses laboratoires de recherche… ».
Les données publiques ne seraient alors qu’une brique de l’écosystème naissant : « On ne va pas créer une filière économique en poussant les seules données de la région, fait valoir Pierre Trilles. L’open data, c’est l’occasion rêver de positionner l’enjeu là où il doit être, c’est-à-dire de construire une stratégie data, open ou pas. C’est bien une stratégie autour de la donnée qu’il faut concevoir en région, à l’instar de ce que font les régions Franche-Comté ou PACA. Notre conviction, c’est que c’est la somme des données publiques qui fait leur valeur collective, et encore mieux, c’est par la somme des données publiques, des données parapubliques, voire privées – en constituant de grands « lacs territoriaux de données » – qu’on pourra contribuer à la création d’une vraie valeur.»
Le « collectif Article 15 » pour accompagner l’Occitanie
A l’issue de sa consultation, la région a retenu un collectif créé pour l’occasion, pour l’accompagner dans l’élaboration de sa stratégie. Il est composé d’acteurs bien connus de l’écosystème de l’open data :
- La coopérative Datactivist, fondée par Samuel Goëta et Joël Gombin
- Civiteo, le cabinet conseil nantais fondé par Jacques Priol, sera principalement positionné sur le volet usages et animation de l’initiative auprès des autres acteurs régionaux.
- La Reine Merlin, animée par Armelle Gilliard, qui a accompagné l’association Opendata France pour son expérimentation Opendala Locale, se focalisera sur l’accompagnement des agents.
- et AID Add Intelligence to Data, qui se concentrera sur « son savoir-faire dans le domaine de la datascience et des infrastructures ».
L’article 15 choisit par le groupement fait référence à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». « Cet article, expliquent Samuel Goëta et Joël Gombin dans un communiqué, « est souvent cité comme étant la première trace d’une volonté d’un législateur de procéder à l’ouverture des données des administrations publiques ».
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