Parce qu’elle a choisi de faire de 2017 l’année de la femme, la commune alsacienne de Dannemarie a installé dans le village, au mois de juin, 65 silhouettes féminines posant dans différentes attitudes – certaines légèrement vêtues, d’autres aux positions suggestives – et 60 silhouettes portant chapeaux, sacs et chaussures.
Estimant que ces panneaux véhiculaient des stéréotypes sexistes et discriminatoires à l’égard des femmes, une association a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg qui, dans un jugement du 9 août 2017, a ordonné leur enlèvement. Saisi en appel par la commune, le juge des référés du Conseil d’Etat a, quant à lui, annulé l’ordonnance du tribunal administratif permettant ainsi à la commune de conserver ces silhouettes.
Egalité n’est pas liberté
Car si pour le juge strasbourgeois du tribunal administratif le principe d’égalité femmes-hommes peut être élevé au rang des « libertés fondamentales », il n’en est rien pour le juge du Conseil d’Etat. En effet, la haute juridiction estime « qu’en l’absence d’intention de discriminer de la part de la commune ou de restriction à une liberté fondamentale, la méconnaissance alléguée de l’égalité entre les hommes et les femmes ne constitue pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, seule susceptible de justifier l’intervention du juge administratif des référés dans les très brefs délais de la procédure de référé-liberté ».
Selon le Conseil d’Etat, l’installation des panneaux litigieux n’a pas été inspirée par « une volonté de discriminer une partie de la population » et n’a pas pour effet « de restreindre l’exercice d’une ou plusieurs libertés fondamentales ».
Dignité n’est pas moralité
Mais l’association soutenait également que l’installation des panneaux portait atteinte à la dignité humaine. Sur ce point, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord qu’il a le pouvoir, dans le cadre de la procédure de référé-liberté, de prescrire toutes les mesures utiles pour faire cesser des atteintes graves et manifestement illégales à la dignité humaine. Il relève ensuite que, même si les panneaux peuvent être perçus comme « véhiculant des stéréotypes dévalorisants pour les femmes » ou, pour quelques-uns d’entre eux, comme témoignant d’un « goût douteux », voire étant « inutilement provocateurs », leur installation ne peut être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale au droit et au respect de la dignité humaine, qui justifierait que le juge des référés ordonne leur disparition dans un bref délai.
Près de vingt ans après sa célèbre jurisprudence « lancer de nains », où le respect de la dignité de la personne humaine devenait l’une des composantes de l’ordre public, le Conseil d’Etat aurait-il oublié que sa décision de l’époque fut fondée malgré l’existence d’un consentement à l’atteinte à sa propre dignité ? Ou veut-il aujourd’hui ne plus faire rimer dignité avec moralité ? Quoi qu’il en soit, sa décision sur le fond est attendue !
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