«Les remarques négatives de ce rapport portent sur certains aspects du lien entre l’impact des fonds sur les territoires, et une partie de la stratégie initiale affichée», reconnaît Damien Périssé, chargé de la question à la Conférence des régions périphériques maritimes (CRPM). «Mais l’impact socio-économique y est décrit comme très positif et en plus cohérent avec les espaces interrégionaux, ce qui est quand même l’essentiel !», poursuit-il.
Mis en place au début des années 90, les fonds Interreg avaient pour objectif initial d’encourager la mise en place du marché intérieur, en estompant les barrières que constituaient alors les frontières entre les Etats membres de l’Union. Mais avec le temps, l’usage s’est diversifié.
«Il faut distinguer les régions frontalières entre elles», nuance Birte Wassenberg, maître de conférences à l’université de Strasbourg et spécialiste des régions bordant les frontières. Elle poursuit : «A la frontière franco-allemande, l’argent n’a pas du tout les mêmes effets qu’entre l’Allemagne et la Pologne.» Dans ce deuxième cas, les fonds distribués par Interreg sont «cruciaux», souligne la chercheuse. «Utilisés par les anciens Etats membres, ces fonds servent à réduire les déséquilibres entre les régions. Mais pour les nouveaux, ils peuvent servir à la stabilisation démocratique», explique Mme Wassenberg.
Réalisations positives
Les «vieilles régions» sont devenues des habituées d’Interreg. Si bien que beaucoup d’entre elles songent qu’il est impossible de s’en passer pour stimuler la coopération transfrontalière. «Avec ces fonds, elles ont l’impression, à juste titre, de participer à la construction européenne», juge Birte Wassenberg.
« Dans l’ensemble, ces programmes avancent très bien » confirme la responsable des fonds Interreg à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar), Claude Marcori. « Interreg impulse une dynamique qui encourage les acteurs de terrain à travailler », poursuit-elle.
Mais la médaille a son revers. Aussi, Birte Wassenberg met-elle en garde contre «une logique de guichet», qui se développerait dans certaines régions. Avec un tel fonctionnement, seuls les plus gros projets seraient soutenus, au détriment des plus petits.
Chargée d’un rapport sur les questions transfrontalières, l’eurodéputée Marie-Thérèse Sanchez Schmidt (UMP – PPE) connaît bien les régions françaises bénéficiaires de l’argent européen. Elle affirme que sur le terrain, tous les acteurs sont satisfaits de l’utilisation des fonds Interreg. «J’ai trouvé des réalisations positives pour l’effacement des frontières», poursuit-elle. Elle cite notamment la construction d’un hôpital transfrontalier ou d’un théâtre du même type à Perpignan (Pyrénées-Orientales).
Supprimer Interreg ? « Une bêtise »
Les indicateurs constituent également une question-clé. Entre 2000 et 2006, l’impact des fonds Interreg sur le territoire se situe entre 0 et 1332%. Soit des chiffres aussi peu signifiants qu’utilisables. Birte Wassenberg plaide pour que les critères permettant d’établir ces chiffres soient revus. Elle propose par exemple de mesurer d’autres impacts que le facteur économique, actuellement privilégié par Bruxelles. «L’évaluation de ces programmes est très difficile», renchérit Marie-Thérèse Sanchez-Schmidt.
« Il y a une faiblesse générale dans le suivi de ces programmes », reconnaît Claude Marcori, de la Datar. « Chaque programme utilise son propre logiciel d’évaluation. A défaut d’un logiciel unique, il faudrait au moins que le cadre européen fasse valoir des éléments communs», poursuit-elle.
Que se passera-t-il après 2013 ? Birte Wassenberg affirme que la suppression de cet outil pour les régions les plus riches, prônée par certains, serait «une bêtise». Elle préconise également de faciliter la gestion des fonds. Autrement dit, tous les projets ne doivent pas forcément être soumis aux mêmes obligations. «Cela n’a aucun sens de demander la facture d’un gâteau acheté à l’occasion d’une rencontre sportive transfrontalière 3 ans après !», affirme-t-elle. «En revanche, pour la construction d’un pont, cela se comprend aisément.»
Quant aux objectifs, elle préconise de ne pas en réduire le nombre au niveau européen, afin de ne pas restreindre la marge de manœuvre des régions. En revanche, elle est favorable à ce que les régions concentrent leurs efforts sur quelques axes prioritaires.
Risque de formatage
L’eurodéputée Marie-Thérèse Sanchez-Schmidt pointe «deux éléments nécessaires» pour la période à venir. «Il faut simplifier les procédures et mieux communiquer auprès des acteurs, préconise-t-elle. Certains territoires pataugent parce qu’ils ne connaissent pas l’existence d’Interreg.»
La promotion de ce type de fonds doit, selon elle, s’appuyer sur un «service dédié aux projets transfrontaliers», ainsi que des rencontres régulières entre les acteurs concernés.
«Pour l’avenir, le lien entre les programmes Interreg et UE 2020 nous semble nécessaire. Mais attention au formatage artificiel !», met-on en garde à la Conférence des régions périphériques maritimes. L’organisation de régions considère que les gestionnaires de ces fonds doivent pouvoir décliner leurs priorités de manière cohérente avec les espaces géographiques concernés. «C’est à eux de déterminer comment donner sens aux objectifs généraux européens», affirme Damien Périssé.
La CRPM propose par exemple de renforcer la possibilité pour les Régions d’affecter des crédits de leurs programmes opérationnels à des actions de coopération territoriale. «Cela permettrait de consolider le lien entre ces actions de coopération et les stratégies interrégionales des Régions», explique Damien Périssé.
Contactée par EurActiv.fr, la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) estime qu’elle n’est « pas légitime » pour répondre à des questions sur l’impact des fonds Interreg sur les territoires.
Cet article fait partie du Dossier
Coopération transfrontalière : tirer les enseignements de la période 2000-2006
Sommaire du dossier
- Introduction – Un bilan sévère de la gestion des fonds interrégionaux entre 2000 et 2006
- Volet A : La coopération transfrontalière
- Le SDIS du Loir et Cher reprend en main la gestion de son école
- Volet B : La coopération transnationale
- Volet C : La coopération interrégionale
- Evaluation d’Interreg : analyses d’experts
- L’avancée à petits pas des projets frontaliers
Thèmes abordés