Partant d’un constat d’ignorance quant à la question de l’Islam en France, des sénateurs du groupe UDI-UC ont pris l’initiative de constituer une mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte. L’objectif était d’établir de la transparence, de lever les ambiguïtés : « L’Islam est encore vu comme une religion de l’étranger, voire comme une religion étrangère, ce qui provoque des incompréhensions réciproques, des clivages, et génère des dérives de part et d’autre : radicalisation d’un côté, actes islamophobes de l’autre. »
Les travaux ainsi présentés mercredi 6 juillet 2016 ont été orientés dans différentes directions, dont certaines concernent les collectivités territoriales. Toute une partie est d’ailleurs consacrée aux interconnexions entre collectivités territoriales et culte musulman. Une section qui se contente toutefois de faire le point sur la législation et la jurisprudence existantes.
Funéraire, lieux de culte, cantines… retour sur les droits et devoirs des collectivités
Il est ainsi rappelé qu’en matière de législation funéraire, le principe de la non-discrimination prédomine depuis la loi du 14 novembre 1881. Il n’y a donc pas d’obligation pour les maires de prévoir des espaces par culte dans les cimetières. Une circulaire du Ministère de l’Intérieur du 19 février 2008 explique d’ailleurs que « les cimetières sont des lieux publics civils, où toute marque de reconnaissance des différentes confessions est prohibée dans les parties communes ». Le rapport explique qu’il est néanmoins possible pour le maire de procéder à des regroupements de fait, puisque c’est lui qui détermine l’emplacement affecté à chaque tombe, comme le précise l’arrêt Vales du 21 janvier 1925.
Les sénateurs reviennent également, à travers ce rapport, sur la question de l’implantation et du financement de nouveaux lieux de cultes musulman dans les communes. Avec bien sûr en fond, le principe de l’interdiction de participer au financement des cultes posé par la loi du 9 décembre 1905, qui dispose que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, sont supprimés des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes ». Les collectivités disposent toutefois de moyens pour agir dans le but de faciliter l’implantation de ces lieux de culte. Il existe des marges de souplesse pour les collectivités en matière d’urbanisme. Il y a par exemple la possibilité de réserver dans le plan local d’urbanisme un emplacement destiné à accueillir un édifice correspondant à une installation d’intérêt général.
Enfin, dans cette partie consacrée au droit positif concernant les collectivités territoriales et le culte musulman, le rapport revient sur la restauration scolaire, compétence facultative des collectivités. Mais la législation en vigueur pourrait bientôt évoluer en la matière, puisque le projet de loi Egalité et citoyenneté pourrait obliger les cantines à prévoir des repas de substitution pour les élèves ne mangeant pas de porc.
Mieux contrôler les écoles privées musulmanes
Nathalie Goulet et André Reichardt sont également revenus, lors de la conférence de presse, sur l’enseignement privé musulman. Pour l’instant, sur les 49 établissements confessionnels musulmans, seuls cinq sont sous contrat avec l’Etat. Les deux rapporteurs préconisent de « prévoir un régime d’autorisation préalable à l’ouverture de ces établissements confessionnels ». André Reichardt a d’ailleurs rappelé qu’un « article allant dans ce sens a été adopté par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi Egalité et citoyenneté ». Car pour le moment, l’ouverture des établissements privés hors contrat est soumise à une simple formalité de déclaration auprès des autorités.
Le sénateur du Bas-Rhin a aussi expliqué qu’il faudrait qu’une part plus importante des établissements confessionnels soit sous-contrat. « Cela permet à l’Etat d’avoir une garantie sur la qualité de l’enseignement. Et d’un autre côté, celui-ci rémunère les enseignants, pendant que les collectivités financent les infrastructures. Tout le monde y gagne. »
Car les établissements privés musulmans hors-contrat sont en partie financés par des pays étrangers. Un problème qui ne se pose pas que dans le cadre de l’enseignement privé sous contrat. Cette question du financement en provenance de l’étranger se pose aussi pour la formation des imams par exemple. Mais dans ce cas, le problème est encore plus complexe, puisque l’Etat français ne peut pas financer de telles formations. Pourtant, Nathalie Goulet estime que « les imams détachés des pays d’origine, de même que la formation à l’étranger d’imams français, constituent un palliatif dans l’attente d’imams formés en France, sur la base d’une formation unifiée et adaptée au contexte socio-culturel français ».
Domaines juridiques