« Moderniser les services publics appelle des choix déterminés et une mise en œuvre méthodique. » C’est le « fil rouge » du rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes, de l’aveu même de son premier président Didier Migaud, qui signe un plaidoyer pour la poursuite des réformes de l’action publique « sans précipitation mais sans immobilisme ».
De l’archéologie préventive à la politique de la ville, des transports publics franciliens au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) en passant par les éco-organismes, les certificats d’économie d’énergie, le contrôle des collectivités par l’Etat, la gestion extinctive de Dexia ou la communauté d’agglomération de Carcassonne, les magistrats financiers ont en effet balayé un large spectre de politiques publiques qui concernent directement ou indirectement les collectivités territoriales.
Une « incertitude significative » sur l’équilibre budgétaire des collectivités locales
L’équilibre budgétaire de ces dernières fait d’ailleurs l’objet d’une « incertitude significative » accentuée par la baisse de la DGF, de 2014 à 2017. Pour 2015, le gouvernement table sur le ralentissement de leurs dépenses de fonctionnement (+1,1 % en 2015 après +2 % en 2014), grâce à une baisse de leurs consommations courantes (-1 %), facilitée notamment par la faible inflation, et à un freinage de leur masse salariale (+2,4 % après +3,9 % en 2014).
En outre, leurs dépenses d’investissement ont à nouveau diminué très nettement (-7,9 % en 2015 après -8,6 % en 2014).
De son côté, Christian Eckert, le secrétaire d’Etat au Budget, s’est montré résolument optimiste, la semaine dernière, au sujet de la santé financière des collectivités.
Pour 2016, le gouvernement prévoit une croissance modérée des dépenses publiques locales (+1,2 %) après la baisse de 0,6 % attendue en 2015, grâce au ralentissement de la progression de la masse salariale et à une stabilité des autres dépenses de fonctionnement.
Parallèlement, l’investissement devrait reprendre doucement.
« Même si ces évolutions sont plausibles, on ne peut pas exclure que, face à la baisse des dotations et malgré la hausse des taux des impôts locaux et la revalorisation de 1 % des bases, certaines collectivités fassent le choix d’un recours accru à l’endettement pour en amortir l’impact sur leurs dépenses d’investissement, souligne cependant la Cour des comptes. Le besoin de financement de l’ensemble des collectivités locales pourrait ainsi se révéler plus important que le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2016 ».
Au total, ces projections conduiraient à l’hypothèse d’un solde des collectivités locales proche de l’équilibre en 2015 comme en 2016, concluent les magistrats.
Des investissements qui restent mal calibrés
Face aux multiples dysfonctionnements constatés dans des domaines très variés de l’action publique, les magistrats financiers préconisent d’anticiper davantage les besoins, d’identifier plus sérieusement les investissements réellement pertinents et de conduire la modernisation des services publics locaux ou nationaux en s’armant d’une méthode rigoureuse, d’un accompagnement au changement et d’un calendrier approprié.
Ces bonnes résolutions sont « à la portée des décideurs publics », assure Didier Migaud qui les invite à « faire preuve de détermination, accorder davantage d’attention aux résultats de leurs décisions et viser une plus grande efficience et une plus grande clarté de l’action publique. »
Comme l’an dernier, Didier Migaud insiste à nouveau sur le fait qu’une « dépense d’investissement n’est pas vertueuse par principe » et met en avant deux exemples, à mettre au débit des collectivités locales, qui viennent illustrer certaines dérives de manière particulièrement parlante :
- la piste de ski intérieure d’Amnéville (Moselle, investissement initial de 20 millions d’euros), qui souffre d’une sous-utilisation et d’une situation financière très dégradée et en partie masquée et dont la Cour recommande la fermeture « dans les plus brefs délais » ;
- le parc Terra Botanica (Maine-et-Loire, investissement initial de 115 millions d’euros) dont « l’avenir est incertain » à cause d’un investissement mal calibré, d’une attractivité insuffisante et d’une exploitation opaque.
Le CNFPT dans le viseur
Si les magistrats financiers saluent des progrès dans la mise en œuvre du dispositif des certificats d’économies d’énergie, ils réitèrent leurs alertes relatives à la politique de la ville, à la gestion extinctive de Dexia et à la gestion des transports ferroviaires en Ile-de-France.
Enfin, la politique d’archéologie préventive et le CNFPT sont identifiés clairement comme des mauvais élèves.
En ce qui concerne le centre de formation, sa gestion est jugée « insuffisamment économe ». « Le CNFPT fonctionne comme un établissement public sans tutelle […] et échappe jusqu’à présent largement à l’effort demandé aux autres administrations publiques », indique ainsi Didier Migaud, qui espère que la diminution de ses ressources prévue par la loi de finances pour 2016 constituera « une incitation forte à améliorer son efficience, eu égard aux marges de manœuvre dont il dispose. »
Au total, sur les près de 1 800 recommandations formulées par la Cour des comptes de 2012 à 2014, environ 70 % avaient été mises en oeuvre partiellement ou totalement fin 2015. Dans le détail :
Un redressement « lent et limité » pour les comptes publics
Une fois n’est pas coutume, Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, s’est félicité de l’amélioration des finances publiques en 2015. Les objectifs de résorption des déficits publics fixés par le gouvernement devraient être tenus, et même meilleurs que prévus (déficit de 3,8 % du PIB contre 3,9 % en 2014).
Pour autant, cette embellie est restée « lente et limitée ». En particulier la réduction du déficit structurel (corrigé de la conjoncture) est inférieure à celle des années précédentes. Un constat qui ne lève pas toutes les « inquiétudes » des magistrats financiers pour l’atteinte des objectifs de redressement des comptes publics en 2016. Au final, Didier Migaud souligne que la situation actuelle « n’autorise aucun relâchement des efforts de réduction des déficits et de maîtrise du poids de la dette ».
Cet article est en relation avec les dossiers
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Rapport 2016 de la Cour des comptes : l’urgence de moderniser les services publics
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