La répartition des services publics sur le territoire, et des agents qui les rendent, s’est construite par strates au fil de l’histoire, d’abord via les services de l’Etat, puis le service public hospitalier, enfin la fonction publique territoriale.
Rendant des services différents à la population, chaque versant de la fonction publique est réparti, à l’échelle départementale, selon sa propre logique, son propre modèle. Ainsi, les moyennes nationales du taux d’administration de chaque versant de la fonction publique (y compris les emplois aidés, hors Outre-mer), à fin 2013, sont très différentes :
- Moyenne du taux d’administration de la fonction publique territoriale : 30,30 ‰
- Moyenne du taux d’administration de la fonction publique d’État : 35,07 ‰
- Moyenne du taux d’administration de la fonction publique hospitalière : 19,66 ‰
- Moyenne du taux d’administration toutes fonctions publiques confondues : 86,33‰
Ce qui peut surprendre en revanche, ce sont les disparités de taux d’administration entre départements, à l’intérieur d’une même fonction publique, et en cumulant les effectifs des 3 versants de la fonction publique.
Vous pouvez sélectionner la carte pour une fonction publique donnée en changeant de calque via le cartouche « Visible layers » en haut à droite de la carte.
Il est nécessaire de garder en tête certains éléments pour interpréter les résultats statistiques fournis par le SIASP (système d’information sur les agents de la fonction publique) et l’Insee.
Ainsi, s’agissant de la FPT, les résultats d’un département donné peuvent être influencés par la présence de l’institution conseil régional sur le territoire du département, ou d’une ou plusieurs grandes villes : les effectifs sont mécaniquement « gonflés ».
Le même phénomène se produit, s’agissant de la fonction publique d’Etat, si un département accueille une base militaire, ou, dans le cas de la fonction publique hospitalière, est pourvu ou pas d’un grand établissement hospitalier.
Autres éléments qui influent sur le nombre d’emplois publics : la dynamique économique du territoire, sa situation géographie, son état démographique et, s’agissant des emplois publics territoriaux, les choix de gestion des services publics par les élus locaux.
Ces biais existent, mais suffisent-ils à expliquer l’absence de cohérence qui apparaît lorsqu’on établit le classement des départements par taux d’administration ?
On constate ainsi des écarts de taux par versant de la fonction publique très importants (en excluant les données pour le département de Paris, ville, département, siège des ministères, et de grands établissements publics, qui faussent les résultats) :
- Pour la fonction publique d’Etat, le taux d’administration varie entre 21,88 ‰ en Vendée à 54,22 ‰ dans le Var (95,91 ‰ pour Paris)
- Pour la fonction publique territoriale, les écarts vont de 19,28 ‰ dans l’Ain à 50,2 ‰ en Corse du Sud
- Pour la fonction publique hospitalière, la Seine-et-Marne affiche un taux de 10,86 ‰, quand la Haute-Vienne bénéficie d’un taux de 33,26 ‰
- Au cumul des trois fonctions publiques, les taux s’étirent de 59,79 ‰ dans l’Ain jusqu’à 107,67 ‰ dans la Vienne (160,98 ‰ pour Paris).
L’intensité de la présence des agents publics par versant de la fonction publique ne présente pas non plus de logique apparente : ainsi, alors que l’Ain possède le plus faible taux d’administration de FPT (19,28 ‰) comme en cumulant les effectifs des 3 fonctions publiques (59,79 ‰), le département est bien plus richement doté s’agissant de la seule FPE (19ème position avec 28,1 agents pour mille habitants). Idem pour la Haute-Saône, troisième département le plus faiblement doté pour la FPT et au cumul des trois fonctions publiques, mais 39è pour la seule FPE.
La Vendée, très peu dotée en fonctionnaires d’Etat, est bien plus « équipée » s’agissant de la FPT, en arrivant en 31ème position des départements possédant le plus fort taux d’administration.
Le Haut-Rhin, très peu doté en fonctionnaires territoriaux, se positionne bien plus haut dans le classement s’agissant de la FPE (32ème position avec un taux d’administration de 29,93 ‰) et encore plus haut s’agissant de la fonction publique hospitalière (60ème position : 21.05 ‰).
Des disparités lissées par la fusion des régions
Le rapport annuel sur l’état de la fonction publique 2015, paru il y a quelques jours, propose une simulation des taux d’administration à l’intérieur des frontières des 13 nouvelles régions. Les spécialistes de la DGAFP estiment que ces nouvelles régions auront mécaniquement pour effet de réduire les écarts de taux. Dans le détail, ils relèvent ainsi que « avec le nouveau découpage, l’Ile-de-France (81 agents civils publics pour 1 000 habitants), la Corse (78,7 ‰) et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (73,9 ‰), régions dont la réforme territoriale ne modifie pas les contours, sont les trois régions les mieux dotées en agents publics par habitant ».
Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes » (72,7 ‰), arrive ensuite, alors que les 3 régions qui la constitue sont dans des situations différenciées : « le Limousin est en 2013 la première région métropolitaine pour son nombre d’agents publics par habitant (83,1 ‰, soit +11,5 points par rapport à la moyenne nationale) tandis que Poitou-Charentes et Aquitaine se classent en neuvième et dixième positions avec des taux inférieurs à la moyenne nationale (respectivement 71,4 ‰ et 71,2 ‰) ».
Les moins pourvues en agents publics sont les nouvelles régions des Pays de la Loire (63,3 ‰), l’Alsace, Champagne Ardenne Lorraine (67,0 ‰) et le Centre-Val de Loire (67,1 ‰). « En fusionnant avec la région Rhône-Alpes (66,0 ‰), l’Auvergne (75,7 ‰) fait également partie d’une des nouvelles régions qui comptent le moins d’agents publics par habitant (67,6 ‰) » conclut le rapport 2015.
Avant-après : les taux d’administration dans les régions fusionnées (chiffres 2013)
Explorer ces données, et leur manque de cohérence, porte un coup certain à l’image d’Epinal de l’aménagement du territoire français, rationnel et cartésien, conçu par des énarques infaillibles. Manifestement, les services publics et les moyens humains qui leurs sont consacrés ne sont pas systématiquement répartis de manière équitable entre tous les départements. Une nouvelle phase est en cours, avec la réorganisation des services de l’Etat sur le territoire. Sera-t-elle plus vertueuse que les précédentes ?