Jean Maïa en a fait le pari publiquement : l’ordonnance « Marchés publics » de 2014 sera publiée en juillet. Le directeur des affaires juridiques (DAJ) de Bercy prend soin de préciser qu’elle ne s’appliquera cependant pas avant le 1er janvier 2016. Mais le temps reste compté, car la directive devra être transposée dans les délais fixés par l’ordonnance, soit au printemps 2016. Un impératif donc, plutôt qu’un souhait d’aller vite !
Les projets de décrets d’application qui, aux dires du DAJ, porteront en réalité l’essentiel de la réforme devraient être présentés et soumis à consultation publique dans la foulée de la publication de l’ordonnance, avec pour objectif leur publication à la fin de l’année.
Sur le fond, c’est en effet surtout dans ces décrets d’application que les plus grands bouleversements auront lieu. D’où une nouvelle procédure de consultation sur les projets de décret avant leur adoption… « mais pas en août », a précisé Jean Maïa. On comprend mieux pourquoi, alors que le projet d’ordonnance est actuellement soumis à l’avis du Conseil d’Etat, et après un passage difficile (vote négatif), devant le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) le 4 juin dernier, les consultations, la mission sénatoriale d’information sur la commande publique et autres lobbyistes continuent de s’activer…
Cheval de bataille
De grands bouleversements ? Certainement. Mais paradoxalement, ce qu’il ressort de plusieurs prises de paroles d’intervenants aux débats, c’est que l’enjeu essentiel de la réforme en cours du code des marchés publics, c’est la simplification. Et plus précisément la dématérialisation.
Jean Maïa insiste : le gouvernement, qui a fait de la simplification son cheval de bataille, n’a pas attendu les directives européennes de février 2014 pour s’engager dans la simplification de la commande publique : marchés publics simplifiés (MPS) , mise en œuvre du principe « dites-le nous une fois » … la France avance », assure-t-il.
Changement de mœurs
L’audience, elle, est beaucoup moins emballée, voire dubitative. Plusieurs acheteurs publics témoignent plutôt de leur difficulté à dématérialiser : globalement, une couverture numérique du territoire loin d’être achevée ; ici, une préfecture ne prend pas les documents numériques ; là, des difficultés à faire entrer dans les mœurs des élus la signature électronique…
Le même constat est aussi dressé du côté des entreprises : » souvent, les entreprises n’ont même pas de catalogue électronique, et il ne s’agit pas spécifiquement des petites entreprises ! », assène Jérôme Michon, enseignant en droit des marchés publics et privés à l’ESTP.
Jean-Marie Héron, président de l’Association des acheteurs publics (AAP) résume ainsi l’état de la dématérialisation en France : « l’acheteur reçoit de tout : du dématérialisé, du papier, parfois un mélange des deux… » Il ne se prive pas de rappeler, à cette occasion, qu’aujourd’hui, la simplification profite surtout aux entreprises.
Quant aux MPS, Bertrans Rouzier, conseil de la Médiation nationale des marchés publics, tempère l’optimisme de Jean Maïa et s’inquiète : le taux de pénétration du MPS au 1er janvier 2015 était encore très faible… « alors que théoriquement, les entreprises devraient se précipiter pour répondre avec le MPS ! ». De même, le coffre-fort électronique serait encore méconnu des entreprises.
Retard
Tous ces témoignages confirment « sur le terrain » les chiffres rendus par l’Observatoire de l’achat public (OAP): seuls 11 % des marchés sont dématérialisés, alors que l’objectif de dématérialisation fixé par l’Union européenne était de 50 % … à horizon 2010 ! En outre, le recours aux factures électroniques demeure limité à 15 % de l’ensemble des factures échangées entre fournisseurs et acheteurs publics. Un beau retard !
Une seule bonne nouvelle, apportée par Jean Maïa : le formulaire Dume (document unique de marché européen) serait « arrêté cet été ».
Décidément, la révolution numérique, c’est pas pour demain…
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