Après avoir rendu un rapport critique sur la politique d’aménagement francilienne dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes revient dans un nouveau rapport intitulé « Le logement en Ile-de-France : donner de la cohérence à l’action publique » sur vingt ans d’une politique qui peine à montrer ses effets.
Le rapport revient tout d’abord sur la faible efficacité des outils de planification. Le schéma directeur de la région Ile-de-France a en effet toujours fixé des objectifs non atteints : de 1994 à 2007, l’objectif de construction fixé par le SDRIF était de 53 000 logements pour une moyenne annuelle de mises en chantier de 41 562 durant cette période.
Depuis 2010, l’objectif est de 70 000 logements par an, pour une moyenne annuelle de mises en chantier de 43 980 de 2010 à la fin de 2013.
La raison de cet échec, c’est l’absence de contraintes dans la réalisation de ces objectifs. De plus, peu d’intercos sont dotées d’un programme local de l’habitat, et moins de la moitié des communes de la région ont adopté un plan local d’urbanisme. Sur ce sujet, on reste en attente du vote définitif de la loi Notre, qui distribuera les compétences entre métropole du Grand Paris et territoires.
Lire aussi : Projet de loi NOTRe : ce qu’il faut retenir du texte de l’Assemblée
La politique de densification mise en cause
En ce qui concerne le foncier, 20 000 hectares étaient en 2011 disponibles à l’urbanisation dans les plans d’occupation des sols (POS) et les PLU franciliens. Le SDRIF préconise de privilégier les zones déjà denses pour de nouvelles constructions, ce qui signifie un prix du foncier élevé.
« On peut se demander si les prix et les typologies de logements qui résulteront d’une densification accrue du coeur d’agglomération permettront vraiment d’équilibrer le marché du logement en Île-de-France. Ceci plaide pour une extension raisonnée aux marges de l’agglomération, évitant un développement résidentiel encore plus éloigné et émietté dans la couronne rurale », estiment les rapporteurs, allant à l’encontre de la politique actuelle de reconstruction de la ville sur la ville. Ils plaident même pour une redynamisation des villes nouvelles, dont les potentialités foncières n’ont pas encore été intégralement exploitées.
Le secteur du logement social est également à la traîne : depuis 2010, plus de 50% des aides à la pierre de l’Etat ont été fléchées vers la région Ile-de-France. Mais le stock de logements sociaux n’a augmenté que de 6 % entre 2002 et 2012.
Le rapport pointe la tendance des bailleurs sociaux à privilégier la construction de logements PLS – ceux aux loyers les plus élevés – qui sont plus rentables mais ne répondent pas aux besoins des ménages aux plus bas revenus : ainsi de 2010 à 2013, la part des logements PLAI est passée de 45 % à 20 % alors que ce sont les plus demandés.
Bon point sur la loi SRU
La Cour dresse cependant un bilan positif de l’application de l’article 5 de la loi SRU par les communes franciliennes : à l’issue de la dernière période triennale contrôlée (2008-2010), près de 70 % des communes d’Île-de-France avaient atteint les objectifs qu’elles s’étaient fixés, soit une proportion supérieure à celle constatée pour la France entière.
La Cour met cependant l’accent sur le nouvel objectif fixé par la loi ALUR de 25% de logements sociaux : « La plupart des communes concernées, dont Paris et certaines communes de première couronne, se situent dans la zone la plus tendue de la région. Cette orientation aboutira à solliciter les finances publiques locales pour la construction ou la conversion de logements dans les zones les plus chères d’Île-de-France, alors que dans des zones moins tendues et moins coûteuses de la région, des dépenses d’un niveau équivalent permettraient de financer beaucoup plus de logements locatifs sociaux ».
La Cour propose notamment qu’une part limitée du nouveau quota de 25 % soit constituée de logements intermédiaires à loyers réglementés.
Dernier point abordé, la production de logements privés, avec des résultats mitigés en ce qui concerne la lutte contre la vacance, et la transformation de bureaux en logements.
En ce qui concerne les incitations fiscales à l’investissement locatif privé, « aucun effet de modération du rythme d’augmentation des loyers n’a été constaté sur l’agglomération parisienne. La mise en oeuvre des dispositifs d’incitation a pu donner lieu à des effets d’aubaine », puisque les loyers fixés dans le dispositif Scellier n’étaient pas significativement plus bas que sur le marché libre.
En conclusion, la Cour formule une série de voeux – pieux : apporter plus de transparence dans les attributions de logements sociaux, rationaliser l’occupation du parc social, réformer les outils fiscaux pour inciter à la cession de foncier… On cherche encore des solutions concrètes…
Cet article est en relation avec le dossier
Thèmes abordés
Régions