« Pour toutes les dernières lois de décentralisation, on est parti régionaliste et on est arrivé départementaliste ! », sourit Jean-Jacques Hyest (Seine-et-Marne), rapporteur de la loi NOTRe. Forts du soutien de l’Assemblée nationale sur le transfert des routes et des collèges aux régions, annulé contre l’avis du gouvernement, les sénateurs UMP espèrent bien réitérer le coup de 2004 : les lois Raffarin, au lieu de les dévitaliser, avaient attribué finalement plus de compétences aux départements.
Contre le « jacobinisme régional »
Il s’agira pour eux, lors de la deuxième lecture du projet de loi NOTRe, de récupérer également les ports et les transports scolaires – l’occasion à ce sujet de souligner « l’incohérence » du projet de loi, qui « confie les transports scolaires aux régions et laisse les transports scolaires pour les handicapés au département », pointe Bruno Retailleau (Vendée), président du groupe UMP au Sénat. Comme le député Hervé Gaymard, ce dernier fustige le « jacobinisme régional » consistant à « recentraliser » dans des « super-régions » les compétences des départements, et à introduire des schémas prescriptifs en termes de développement économique et d’aménagement du territoire. « Les schémas prescriptifs, définis dans des capitales régionales, toucheront jusqu’aux plans locaux d’urbanisme, cela dépasse l’entendement », estime Bruno Retailleau. Pour les sénateurs UMP, le projet de loi NOTRe ne contient même aucune mesure de décentralisation, le gouvernement ayant refusé de donner aux régions le contrôle de la politique de l’emploi – une revendication des régions elles-mêmes, introduite au Sénat, rejetée par les députés et que les sénateurs de droite comptent réintroduire en deuxième lecture, au printemps.
D’ici là, il y aura… les élections départementales, qui pourraient faire un « petit choc » au gouvernement, selon Bruno Retailleau : « Les gens ne savent pas dans quel canton ils sont, si les départements seront finalement supprimés ou pas… Valls parle de façon véhémente des risques de l’abstention, alors qu’il crée en même temps les conditions d’une abstention record ! »
Menaces sur les communes et la ruralité
Pour continuer à exister, les sénateurs auront toutefois fort à faire, car tout ce qui fait leur assise est remis en cause simultanément. Après le « charcutage électoral » des cantons qui devrait aboutir à une moindre représentation des élus ruraux, les compétences des départements ne sont pas seules à être menacées : il est aussi question des communes, et même du Sénat puisque les députés ont ressuscité le Haut conseil des territoires, introduit lors des débats sur la loi Maptam avant d’en être retiré sous la pression, déjà, des sénateurs. « C’est un machin de plus alors que le Sénat existe ! », râle Bruno Retailleau. Les sénateurs de droite dénoncent également « l’introduction subreptice par voie d’amendement » d’une mesure visant à élire les conseillers communautaires au suffrage universel direct. « Ça, c’est la mort des communes ! Et c’est ressenti très fortement par la ruralité », s’insurge Philippe Bas (Manche), président de la commission des lois.
Le retour du conseiller territorial
La défense de la ruralité est le moteur essentiel des sénateurs UMP, alors que les poids lourds du parti comme François Fillon, Alain Juppé ou Valérie Pécresse affichent pour la plupart leur volonté de supprimer les conseils départementaux. « Quelques personnalités » isolées, « une minorité » pour eux, car comme veut le croire Philippe Bas, Nicolas Sarkozy « ne s’est jamais prononcé pour la disparition des départements ». Pourtant, en septembre dernier, le président de l’UMP avait annoncé sans ambages qu’en cas de retour aux affaires, il demanderait aux Français « de trancher la question de deux niveaux d’administration en toute clarté »…
Les sénateurs préfèrent revenir à sa réforme du conseiller territorial, abrogée en 2012 par la majorité socialiste, qui permettait la fusion des élus sans passer par celles des assemblées. « Cela permettrait que les élus régionaux soient enfin territorialisés », estime Philippe Bas.
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