« Proposition dogmatique et absurde » pour l’association des maires de France (AMF), « scandalisés par les délires du CGET » selon l’association des maires ruraux de France (AMRF), les foudres des édiles municipaux s’abattent sur le rapport du commissariat général à l’égalité des territoires, sur « la taille des EPCI », une dizaine de jours après sa publication annoncée par La Gazette des communes.
En revanche, l’assemblée des communautés de France (ADCF) se contente de proposer une synthèse du rapport, en mettant en avant le concept de « territoires vécus », les arguments du CGET pour justifier le seuil et les mesures d’accompagnement préconisées par l’ex-Datar pour favoriser l’intégration.
En tout état de cause, le CGET n’a pas consulté les élus locaux durant ses enquêtes avant d’établir des conclusions. Il considère pourtant qu’il « convient de (leur) laisser une large autonomie pour définir les regroupements les plus pertinents ».
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Maires furieux
Dans un communiqué où ils s’expriment conjointement, le nouveau président de l’AMF, François Baroin (UMP) et le premier vice-président délégué, André Laignel (PS) « dénoncent la proposition dogmatique et absurde de supprimer la commune ».
C’est surtout cette préconisation « que certains cénacles parisiens souhaitent, à savoir la dissolution de toutes les communes dans un millier d’intercommunalités qui deviendraient la collectivité de droit commun », qui fait réagir François Baroin et André Laignel, la considérant « irréaliste et absurde car la commune est l’échelon irremplaçable de l’exercice de la proximité et de la citoyenneté ».
Pour sa part, le président de l’AMRF, Vanik Berberian (Modem) assure dans un communiqué que les maires ruraux « sont scandalisés par les délires du CGET ». Il souligne qu’ « en prônant ce que les élus de terrains refusent (transfert des dotations aux EPCI, élévation de l’EPCI au rang de collectivité), le CGET se distingue par son incapacité à faire autre chose que rendre des rapports hors sol et inutiles ».
« Si ce genre d’officine n’avait pas d’influence, il serait plus utile de les ignorer avec la même ténacité que le commissariat à l’égalité des territoires ne le fait pour ignorer les élus et les communes. Compte tenu des préconisations contenues, les maires ruraux s’insurgent contre la conception secrète de ce rapport puisque aucune écoute n’a été portée aux associations d’élus et en particulier aux premiers concernés, les maires », fulmine Vanik Berberian.
Pas même un coup de fil
Une absence d’écoute que confirme le président de l’ADCF, Charles-Eric Lemaignen, président de la communauté d’agglomération Orléans-Val deLoire (22 communes, 275.000 hab.) , que le rapport du CGET prend comme cas d’école et recommande de regrouper avec les huit communautés de communes voisines pour créer « une agglomération de 385.000 hab. sur l’essentiel de l’aire urbaine »… et 102 communes.
« Je regrette que le CGET n’ait pas pris son téléphone pour me faire part de leur analyse, je suis aisément joignable » a commenté Charles-Eric Lemaignen en apprenant qu’Orléans était citée dans ce rapport « qui propose des pistes intéressantes, mais qui est trop ‘techno’ ».
« A l’évidence le périmètre de l’agglo à 22 communes devrait être modifié. Mais je ne suis pas preneur d’un périmètre proche de l’aire urbaine, qui atteint aujourd’hui les 423.000 habitants, et qui serait un machin ingouvernable », assure le président de l’agglo concernée.
« Les SCOT périphériques à l’agglomération sont en train de se mettre en œuvre, sur les trois pays voisins de l’agglomération. Si les intercos s’accordent pour avancer au sein de ces pays et qu’on arrivait à quatre EPCI, par exemple, sur ce territoire, ça pourrait être une solution intéressante », explique-t-il.
Pour Charles-Eric Lemainen, le rapport du CGET est un outil à la disposition des élus, « mais il faut laisser les élus décider, laissons les commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) et les préfets accepter des dérogations, soit pour des questions de densité, soit par rapport au nombre de communes ».
Cure d’EPCI pour la Lozère
Le rapport du CGET propose également des exemples d’application de ses préconisations en zone rurale, en Lozère par exemple, où les EPCI pourraient n’être que quatre ou cinq au lieu de 24 aujourd’hui.
Pour le député-maire de Fournels (Lozère), également président de la communauté de communes des Hautes Terres, Pierre Morel-à-l’Huissier (UMP), les prévisions du CGET ne sont pas si loin que ça de la réalité.
« Ce genre de rapports ne sont pas inintéressants, c’est de l’aide à la décision, comme le faisait à son époque la Datar. Mais une intercommunalité doit rester sur la base du volontariat, ce n’est pas une collectivité territoriale, il y a un besoin de coopération. Les choses évolueront quand le législateur et l’Etat donneront des moyens supplémentaires, une carotte fiscale ou financière, pour favoriser la mutualisation, comme la DETR par exemple » assure-t-il.
« Nous travaillons sur notre territoire à une fusion de cinq EPCI, pour atteindre près de 12.000 habitants. Si on descendait à 7 ou 8 EPCI en Lozère ce serait déjà pas mal. Il y a une réalité des flux, des trajets qui ne peuvent pas se faire comme ça aussi facilement. Regrouper tout le sud, la Cevenne, ce serait compliqué. Mais la réalité de l’attractivité d’un territoire à l’échelle cantonale va exploser. Je suis assez en phase avec la notion de territoires vécus », souligne-t-il.
Problème constitutionnel
“On se trompe de débat, l’essentiel aujourd’hui c’est que les EPCI s’organisent autour de bassins de vie réalistes, les territoires sont très diversifiés et les seuils de population ne peuvent pas être les mêmes partout. Il est légitime de revoir les périmètres, mais il faut tenir compte de la densité, des distances à parcourir ou de la complémentarité ville-campagne”, explique pour sa part le sénateur du Cantal Pierre Jarlier (UDI).
“Je ne partage pas l’orientation de la suppression de la clause générale des compétence des communes et l’élection des EPCI au suffrage universel. La force de l’intercommunalité réside dans la coopération volontaire. Le consensus sera plus difficile demain s’il y avait un changement de statut, qui ferait des EPCI des collectivités territoriales à part entière. Cela poserait aussi un problème constitutionnel”, souligne Pierre Jarlier, qui a déposé une proposition de loi pour favoriser la fusion entre EPCI, qui n’a pas encore été mise à l’ordre du jour.
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