Le projet de la ministre de la RĂ©forme de l’État, Marylise Lebranchu, intitulĂ© « modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des mĂ©tropoles », a Ă©tĂ© soigneusement dĂ©tricotĂ© en juin, en première lecture au SĂ©nat, notamment en ce qui concerne la crĂ©ation de la mĂ©tropole du Grand Paris.
Avec cette première lecture Ă l’AssemblĂ©e, il s’agit donc pour les dĂ©putĂ©s PS, avec en tĂŞte le rapporteur du texte Olivier Dussopt, de remettre en selle le projet gouvernemental.
Le projet, qui a Ă©tĂ© réécrit en commission Ă l’AssemblĂ©e, instaure des « conventions territoriales » conclues dans chaque rĂ©gion entre les collectivitĂ©s, et assorties de contraintes financières pour les collectivitĂ©s qui ne souhaiteraient pas y adhĂ©rer.
En ce qui concerne les mĂ©tropoles, dont le SĂ©nat souhaitait limiter le nombre en n’accordant le statut qu’aux agglomĂ©rations qui en feraient la demande, Olivier Dussopt a rĂ©tabli l’automaticitĂ© du statut aux agglomĂ©rations remplissant les critères – 400 000 habitants dans une aire urbaine de 650 000. Le projet incluant certaines dispositions dĂ©rogatoires pour de grandes citĂ©s rĂ©gionales, il devrait y avoir huit mĂ©tropoles de droit commun.
Quant au Grand Paris qui figurait dans le projet initial et que le SĂ©nat avait torpillĂ©, le texte issu de la commission des lois rĂ©tablit, en la renforçant et en la reconfigurant, la crĂ©ation d’une mĂ©tropole du Grand Paris. La nouvelle structure deviendra au 1er janvier 2015 un EPCI, ce qui, de fait, exclura de son pĂ©rimètre toute autre intercommunalitĂ©.
Au grand dam de nombreux Ă©lus locaux et notamment de Patrick Braouezec (Front de Gauche) prĂ©sident de l’une des principales intercommunalitĂ©s d’Ile-de-France, Plaine Commune, qui rĂ©unit 9 communes et 410 000 habitants en Seine-Saint-Denis.
Big bang institutionnel – De fait, comme au SĂ©nat, le texte suscite l’opposition farouche du Front de Gauche qui parle de « big bang institutionnel », de « vĂ©ritable putsch contre nos institutions rĂ©publicaines », selon les termes employĂ©s par le prĂ©sident des dĂ©putĂ©s FG AndrĂ© Chassaigne. « Ce projet, c’est la mise en coupe rĂ©glĂ©e de l’action publique locale pour qu’elle ne soit plus que la rĂ©plique de la politique menĂ©e au plan national. Ainsi, nos communes, nos dĂ©partements, nos rĂ©gions, de boucliers anti-crise qu’ils Ă©taient, auraient vocation Ă devenir des relais de la compĂ©tition mondialisĂ©e », a martelĂ© le parlementaire en sĂ©ance publique.
« Ce qui est en jeu », ont dĂ©noncĂ© mardi des Ă©lus FG, c’est, au-delĂ de l’existence des dĂ©partements, « la disparition des communes et la proximitĂ© qu’elles ont avec les citoyens ». Ils demandent l’organisation de rĂ©fĂ©rendums au niveau de chaque mĂ©tropole.
Gabegie financière – Les Ă©cologistes ne sont pas en reste. François de Rugy, coprĂ©sident du groupe Ă l’AssemblĂ©e, a annoncĂ© qu’ils voteraient contre le texte, « peu lisible », « s’il n’y avait pas l’introduction, par amendement, de l’Ă©lection au suffrage universel direct des Ă©lus des futures structures ».
A droite, Christian Jacob, chef de file des dĂ©putĂ©s UMP, a informĂ© que son groupe voterait contre, estimant que ce texte « peu lisible » ne ferait que rajouter « une strate supplĂ©mentaire ». « On repart sur de la gabegie financière », a-t-il dit.
Usine Ă gaz – Patrick Devedjian, dĂ©putĂ© UMP et prĂ©sident du conseil gĂ©nĂ©ral des Hauts-de-Seine, a tirĂ© Ă boulets rouges sur la mĂ©tropole du Grand Paris. « C’est un projet rĂ©actionnaire qui entend nous renvoyer avant 1982 et les lois de dĂ©centralisation de Gaston Defferre », dit-il dans une interview au Parisien. « C’est d’une cohĂ©rence formidable : les communes ont dĂ©lĂ©guĂ© leurs compĂ©tences Ă un EPCI territorial, un Ă©tablissement qu’elles connaissent et qui est proche d’elles, et celui-ci va ĂŞtre absorbĂ© par un Ă©tablissement qui va pouvoir restituer ces compĂ©tences Ă ces mĂŞmes communes qui les avaient dĂ©lĂ©guĂ©es Ă l’EPCI local ! Quelle fabuleuse usine Ă gaz ! » a-t-il soulignĂ© en sĂ©ance publique.
Pour lui, « en rajoutant une mĂ©tropole au millefeuille administratif, le calcul de la gauche est simple : garder la main Ă tout prix, parce qu’elle a peur de perdre Paris en 2014 ».
Concentration de dĂ©sordres institutionnels – Michel Piron, pour l’UDI, dĂ©nonce, Ă travers le texte, « une concentration de dĂ©sordres institutionnels ». « Je suis perplexe devant un texte peu soucieux de cohĂ©rence. Vous avez, en effet, fait le choix de scinder votre projet de rĂ©forme territoriale et de l’action publique en trois phases, selon une logique ou une absence de logique qui est Ă l’opposĂ© de notre conception de l’amĂ©nagement du territoire : sont traitĂ©es en premier lieu des mĂ©tropoles et des grandes villes, puis viendront ensuite les rĂ©gions, et enfin le reste – si j’ose dire – des territoires », a-t-il martelĂ© en sĂ©ance publique.
« Après avoir modifiĂ© les dates des Ă©lections et les modes de scrutins, lorsque vient enfin le moment de procĂ©der Ă une vĂ©ritable rĂ©forme dĂ©centralisatrice, vous prĂ©fĂ©rez commencer par discuter des compĂ©tences des agglomĂ©rations, avant mĂŞme celles des rĂ©gions, plutĂ´t que de procĂ©der Ă une vĂ©ritable remise en ordre et une redĂ©finition du rĂ´le de nos diffĂ©rents Ă©chelons territoriaux. En somme, vous construisez l’amĂ©nagement du territoire sur le seul fait mĂ©tropolitain, en relĂ©guant la question du maillage territorial – villes moyennes comprises – et des solidaritĂ©s territoriales au second plan, voire en l’oubliant. »
Près de 1 300 amendements et 30 heures de dĂ©bat – Les dĂ©putĂ©s devaient poursuivre la discussion gĂ©nĂ©rale mercredi avant d’entrer dans le vif du sujet. Près de 1 300 amendements ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s sur ce texte touffu pour lequel le gouvernement a dĂ©cidĂ© d’appliquer le temps programmĂ©, en l’occurrence 30 heures.
Marylise Lebranchu veut « Ă©crire l’action publique du XXIe siècle »
Marylise Lebranchu, ministre de la RĂ©forme de l’Etat, a soulignĂ© mardi, en prĂ©sentant son projet de loi sur la dĂ©centralisation Ă la tribune de l’AssemblĂ©e, qu’il s’agissait pour le gouvernement d' »Ă©crire l’action publique du XXIe siècle ». « La philosophie du gouvernement est simple : il faut Ă©crire l’action publique du 21e siècle, prendre en compte les consĂ©quences d’une crise majeure commencĂ©e en 2008 mais surtout prendre en compte l’absolue nĂ©cessitĂ© de dessiner une France juste, dynamique, solidaire et compĂ©titive », a dĂ©clarĂ© Marylise Lebranchu après avoir rendu un hommage appuyĂ© Ă Pierre Mauroy sous le gouvernement duquel avait Ă©tĂ© menĂ©e la première phase de dĂ©centralisation.
InĂ©galitĂ©s territoriales – « Aujourd’hui, a-t-elle poursuivi, les inĂ©galitĂ©s territoriales s’ajoutent aux inĂ©galitĂ©s sociales. Nous nous engageons Ă ce que chaque enfant de France puisse avoir Ă©galitĂ© d’accès Ă son avenir ».
La ministre, qui a vu son texte profondĂ©ment remaniĂ© en première lecture au SĂ©nat, a soulignĂ© que, pour « Ă©viter les doublons », « il s’agit d’Ă©tablir un cadre clair d’exercice des compĂ©tences », notamment en dĂ©terminant des « chefs de filât » pour mener des projets Ă terme.
« Nul ne doit pouvoir dire dĂ©sormais que l’action publique est complexe, opaque et inefficace », a-t-elle encore dit.
Références