Réintroduisant la clause générale de compétence, les projets de loi de décentralisation et réforme de l’action publique partent d’un principe de libre coordination des interventions des collectivités territoriales.
Je ne préjuge pas de ce qui restera de ces textes, après les travaux du Sénat puis de l’Assemblée Nationale…
Probablement, je l’espère parce que c’est l’esprit du projet gouvernemental, l’orientation vers des contractualisations entre collectivités pour améliorer la gestion des actions et projets croisés sur les territoires.
C’est ce pari de l’intelligence territoriale qui devrait acter l’interdépendance et l’obligation de coopérer pour le traitement des questions et projets complexes dans un environnement de raréfaction des moyens. L’objectif est louable… il faut toujours préférer le choix de l’intelligence mais ne soyons pas angélique, quelles sont les conditions de la réussite de cette coopération contractuelle ?
Premièrement, la répartition des blocs de compétence doit être cohérente et lisible pour le citoyen comme pour les acteurs économiques, sociaux et culturels. Ne découpons pas en tranches subtiles et stériles les cœurs de métier de la région, du département, des intercommunalités et des communes.
Il faudra dans cet esprit que les moyens financiers redistribués, afférents à ces blocs de compétence reclarifiés, soient également cohérents, lisibles et dynamiques.
Intelligence juridique – Deuxièmement, il faut que le législateur assure une réelle clarification juridique de la notion de chef de file puisque nous ne prenons pas le chemin et c’est regrettable, de schémas prescriptifs.
Cette clarification sera subtile, au regard de l’environnement constitutionnel, mais elle n’est pas impossible, c’est aussi le pari de l’intelligence juridique !
Il faut en effet aller plus loin qu’un chef de filât simplement déclaratif. Ne nous laissons pas aveugler par « le principe d’interdiction de tutelle d’une collectivité sur une autre ».
Quelques pistes de travail pour clarifier juridiquement le chef de filât : poursuivre le fil conducteur de la notion d’autorité organisatrice à l’exemple de la Loti du 30 décembre 1982 et du CGCT sur les champs des transports, des services publics des réseaux, du pilotage des aides économiques.
Si cette clarification juridique ne s’opère pas, il faudra probablement accepter de remettre en cause la clause générale de compétences car la situation des territoires, et du pays, ne permet plus l’improvisation ou l’approximation !
La coopération contractuelle, cette intelligence territoriale souhaitable dans notre environnement de contraintes financières, pourra alors dépasser enfin le partenariat flou et incantatoire qu’il faut rejeter.
Réforme de l’Etat – La troisième condition du succès, la plus structurante à mes yeux, pour cette décentralisation attendue, seul levier je le crois de la modernisation du pays, c’est la réforme de l’Etat !
Puisque la décentralisation s’organise aujourd’hui autour de trois projets de loi, j’affirme qu’il en manque à l’évidence un car la coopération contractuelle nécessaire sur les territoires suppose un Etat agile et stratège. Il faut un Etat en région qui parle d’une voix ferme sur ses compétences resserrées, n’ayant pas systématiquement l’obligation ou le réflexe de bureaucratiser et/ou de renvoyer à l’administration centrale le soin de régler des questions et des sujets que Paris ne sait pas et ne peut pas traiter.
30 ans après le bouleversement des grandes lois Deferre, dans le contexte de crise et de doutes du citoyen face à la capacité d’action du politique, il est temps de donner un nouveau souffle aux collectivités locales mais aussi à l’Etat par une nouvelle étape de la décentralisation.