Adopté par un vote solennel de l’Assemblée nationale le 23 avril 2013, le projet de loi sur le mariage pour tous a été le jour-même déféré au juge constitutionnel par au moins 60 députés et au moins 60 sénateurs selon la formule consacrée.
A la lecture de la saisine des sénateurs requérants, rien ne semble présager une censure du juge.
Inintelligibilité de la loi – Les requérants soulèvent tout d’abord le caractère inintelligible de la loi en raison notamment d’une étude d’impact jugée par ces derniers insuffisante : « L’étude d’impact n’évoque pas les conséquences financières, ni les coûts et bénéfices financiers attendus alors même, à titre d’exemple, que le mariage entre deux personnes de même sexe aura des conséquences sur le budget de la nation, compte tenu des avantages fiscaux dont bénéficient les couples mariés. »
De plus, les auteurs de la saisine notent qu’aucun avis n’a été rendu par un organisme ayant une compétence réelle en matière familiale. Ils regrettent, par exemple, l’absence de saisine du Conseil économique, social et environnemental.
Toutefois, ces deux premiers arguments de forme semblent insuffisamment fondés juridiquement pour avoir pour conséquence une censure du juge constitutionnel.
L’incomplétude de l’étude d’impact fondée sur l’éventuel coût de la réforme ou encore la non-saisine, qui plus est, facultative, d’un organisme, ne sont pas des griefs susceptibles d’emporter inconstitutionnalité du texte dans son intégralité.
Inconventionnalité de la loi – La loi serait également contraire aux règles du droit public international par la violation de la règle « Pacta sunt servanda ». Selon les auteurs de la saisine, le mariage entre personnes de même sexe dont l’un au moins sera ressortissant d’un Etat ne reconnaissant pas la validité d’une telle union ne permettrait pas à la France de respecter ses engagements internationaux.
Mais c’est oublier que le Conseil constitutionnel se refuse de contrôler la conventionalité de la loi (Conseil constitutionnel, 15 janvier 1975, DC n° 74-54)
Incompétence du législateur ordinaire – Un autre argument des requérants s’inscrit dans la violation de l’article 34 de la Constitution en application duquel la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe ne ressort pas du domaine de la loi ordinaire, mais de la loi constitutionnelle.
Pour les partisans de cette thèse, le mariage aurait valeur constitutionnelle et la réforme aurait dû faire l’objet d’une révision de la Constitution et non d’une simple adoption parlementaire.
Or, aucun texte ni principe constitutionnels érige le mariage, qu’il soit entre hétérosexuels ou entre homosexuels, au rang des normes constitutionnelles. C’est d’ailleurs, le juge constitutionnel qui l’affirme en renvoyant une telle question à la compétence du législateur lorsqu’il est saisi en 2010 d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative, à l’époque, à l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe.
Droits fondamentaux de l’enfant – Enfin, fidèles à leurs contestations soulevées durant les débats en hémicycles, les sénateurs auteurs de la saisine du juge constitutionnel ont soulevé la violation par le texte du droit du respect de la vie privée et familiale, l’obligation du législateur d’assurer à l’individu les conditions nécessaires à son développement et le respect de la dignité de la personne.
Selon les requérants, « admettre la possibilité d’adopter l’enfant du conjoint de même sexe exige de traiter simultanément les aspects relatifs à l’assistance médicale à la procréation et à la gestation de façon explicite, ce qui n’est pas fait par la loi déférée ».
Une lacune qui conduirait à violer les garanties de la bioéthique qui assurent le respect de la dignité humaine. La loi serait donc inconstitutionnelle parce qu’elle ne prévoit pas la procréation médicalement assistée, ni la gestation pour autrui…
Juridiquement mais aussi politiquement, on voit mal comment le Conseil pourrait retenir un tel argument !
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