Parmi les répondants, 58 % disposent du temps nécessaire pour travailler et 63 % de moyens matériels suffisants. Sans être négligeable, la pression exercée par la hiérarchie directe (56 % de « non ») comme par les usagers (64 %) n’est pas non plus ressentie de façon excessive.
A l’exception des services sanitaires et sociaux, pour 43 % desquels la pression des administrés est une réalité, le travail s’exerce donc dans un climat plutôt serein.
Risques psychosociaux – Les territoriaux se déclarent épuisés ! Deux sur trois accusent une fatigue physique, près de huit sur dix se sentent las nerveusement, voire intensément pour 39 % d’entre eux.
Les plus jeunes ne sont pas exempts de ce fléau (61 % d’opinions positives) et si la filière sanitaire et sociale en paie un plus lourd tribut (82 %), toutes les catégories se retrouvent à égalité devant cette tension.
Mais où celle-ci puise-t-elle son origine ? Le taux élevé d’interruption dans les tâches peut-être : 72 % des répondants y sont confrontés, dont 36 % « très fréquemment », ce taux croissant en fonction du niveau hiérarchique (40 % pour les agents de catégorie A) et s’élevant dans les plus petites communes (52 % pour celles de moins de 5 000 hab.).
L’injonction contradictoire, réputée pathogène, 84 % des agents la rencontrent ! Et, enfin, la désespérance : moins d’un agent sur deux croit en son propre avenir professionnel et deux sur trois n’entrevoient aucune perspective sur place.
Les territoriaux s’usent et s’inquiètent. Alors que l’équilibre entre vies professionnelle et personnelle diminue de cinq points de satisfaction (- 9 points chez les jeunes), attention donc aux risques psychosociaux
« De la dépression plus que de la fatigue »
La réaction de Florence Hutin Van Thuy, responsable du département santé et travail à l’Institut de Recherche et Prévention Santé (IRPS)
« Une – bonne – relation au travail passe par deux vecteurs essentiels : le sens de sa mission et le regard que l’autre lui accorde. Or, que semblent vivre les agents des collectivités territoriales sur ces deux plans ? Quelle est la valeur d’une tâche susceptible d’être sans cesse interrompue ? De quel sens relève-t-elle si elle peut être contredite, et par ceux-là même qui l’ont attribuée ?
Dans cet univers manquent cruellement les repères qui, en conférant importance à ce qui est fait, attribuent de l’importance à celui qui fait. Malgré des conditions de travail somme toute pas si défavorables, rien d’étonnant donc à ce que les agents des collectivités territoriales se sentent « vidés », physiquement et moralement, devant une telle absence de perspectives, à la fois collectives et personnelles puisque même leur propre avenir leur apparaît incertain.
Plus que de fatigue, c’est ainsi d’ennui et de démobilisation dont ils souffrent, atteints par une forme de dépression que les paroles ministérielles suffisent d’autant moins à atténuer qu’elles s’accompagnent, en parallèle, de coupes budgétaires.
Or, l’efficience n’a jamais fait sens à elle seule et, toujours traumatisés par les diatribes anti-fonctionnaires d’hier, les territoriaux ont besoin, pour retrouver leur allant, de remettre du lien et de la reconnaissance dans leur univers professionnel.
À défaut de quoi les collectivités risquent fort de connaître demain une flambée de troubles dont l’absentéisme serait une forme parmi d’autres… »
La méthode de l’enquête
Réalisé pour la seconde année pour La Gazette par le cabinet conseil en relations humaines PRAGMA, le questionnaire a été proposé via Internet. Sans prétendre à la représentativité d’un sondage, ce baromètre donne une photographie de l’opinion des 4 600 agents qui ont spontanément répondu, tous statuts, secteurs et collectivités confondus. Afin de garantir la pertinence du résultat au regard du poids respectif de chaque catégorie, un redressement statistique a été opéré.
Cet article fait partie du Dossier
Baromètre exclusif - Bien-être au travail : Les clignotants passent au rouge
Sommaire du dossier
- Une fierté effritée, une reconnaissance en berne
- Le management remisé au coin !
- Des fonctionnaires territoriaux engagés, lucides et responsables
- Bien-être au travail dans la fonction publique territoriale : les clignotants passent au rouge
- Peu de pression mais une grande lassitude
- Marylise Lebranchu, ministre de la fonction publique : « Il faut une vraie réflexion sur la mobilité et les carrières»