Economiser chaque année 20 millions de mètres cubes (1) supplémentaires : c’est la cible fixée par l’agence de l’eau Rhône, Méditerranée et Corse dans le nouveau programme d’action qu’elle vient d’adopter pour la période 2013-2018. « La chasse au gaspillage est lancée », proclame Martin Guespereau. Le directeur de l’établissement public, qui couvre un quart de l’Hexagone et abrite 14 millions d’habitants, alerte sur la situation « alarmante » du Sud Est, où « 40 % du territoire est en situation de pénurie chronique, qu’accentuent la pression démographique et le changement climatique ». La région méditerranéenne sera la plus touchée de France par le dérèglement du climat, avec une chute de 60 % des précipitations prévue d’ici 2080. Des six agences de l’eau, Rhône Méditerranée et Corse est la seule à préparer, pour 2013, un plan d’adaptation au changement climatique.
Gisements gigantesques – L’enveloppe allouĂ©e aux Ă©conomies d’eau passe de 100 millions d’euros (sur la pĂ©riode 2007-2012) Ă 266 millions d’euros (2013-2018). Les gisements sont « gigantesques », affirme Martin Guespereau : « Il n’est pas rare que 50 % de l’eau prĂ©levĂ©e se perde dans des rĂ©seaux fuyards. » L’agence met en avant l’exemple de NĂ®mes MĂ©tropole qui, après avoir rĂ©novĂ© pour 3,2 millions d’euros (soutenus Ă 50 % par l’agence) son rĂ©seau d’eau potable, Ă©conomise 278 00 m3/an.
Sur le nouveau programme, une partie de ses subventions pourra ĂŞtre transformĂ©e, Ă hauteur de 120 millions d’euros, en prĂŞt Ă taux zĂ©ro accordĂ©s sur dix ans. « Nous nous substituons en quelque sorte aux banquiers, qui renâclent Ă accorder des crĂ©dits », commente Martin Guespereau. Les Ă©conomies concerneront aussi l’agriculture, oĂą « le passage de l’irrigation gravitaire au goutte Ă goutte peut diviser par dix la consommation ».
Epuration : maĂ®triser les eaux pluviales – L’assainissement reste une prĂ©occupation majeure, mobilisant 1,3 milliard d’euros, soit 36 % des 3,65 milliards que l’agence engagera sur six ans. Fin 2013, toutes les villes de plus de 15 000 habitants seront aux normes, assure l’agence. Les retards se concentrent sur les petites stations d’épuration (2 000 Ă 15 000 Ă©quivalents habitants), pour lesquelles sont prĂ©vus 600 millions d’euros d’aides sur la durĂ©e du programme (en hausse de 50 % par rapport aux six annĂ©es Ă©coulĂ©es).
Autre cible des efforts : la gestion des ouvrages et réseaux d’assainissement par temps de pluie, qui passe notamment par la construction de bassins d’orage. Si les investissements « considérables » engagés ces vingt dernières années ont significativement amélioré les performances des systèmes d’assainissement, « un gros orage peut faire déborder une station d’épuration, occasionnant ponctuellement des dégâts sur les milieux récepteurs annulant les bienfaits observés les 364 autres jours de l’année », souligne Martin Guespereau.
PrĂ©server la ressource plutĂ´t que la dĂ©polluer – En matière de qualitĂ© de l’eau, 196 millions d’euros seront consacrĂ©s Ă la lutte contre les pollutions agricoles, en vue de prĂ©server les captages des pesticides et des nitrates (214 captages jugĂ©s prioritaires par l’agence, au-delĂ des 100 initialement identifiĂ©s sur son territoire par le Grenelle). Ces contaminations « engendrent un gâchis insupportable », dĂ©nonce Martin Guespereau.
Dans le quart Sud Est, la dépollution s’impose pour l’eau issue de 40 % des captages. Or, il coûte 2,5 fois plus cher de traiter les pesticides et les nitrates pour produire de l’eau potable que de compenser les pertes économiques enregistrée par l’agriculture quand elle met en œuvre des méthodes moins polluantes, calculait la Cour des comptes en 2010.
Des rivières en bonne santĂ© – La prĂ©servation des milieux aquatiques, qui se voit allouĂ©s 414 millions d’euros de 2013 Ă 2018 (deux fois plus que de 2007 Ă 2012), introduit « une douce rĂ©volution dans le secteur, qui commence Ă s’intĂ©resser Ă la santĂ© des cours d’eau », observe Martin Guespereau. Si les rivières se trouvent « soulagĂ©es cĂ´tĂ© assainissement, elles ont toutefois Ă©tĂ© bĂ©tonnĂ©es, dĂ©formĂ©es et leur fonctionnement gĂ©nĂ©ral est Ă repenser », poursuit le directeur. Ce sujet Ă©mergent est largement propulsĂ© par la directive cadre sur l’eau de dĂ©cembre 2000, qui vise le « bon Ă©tat Ă©cologique » des masses d’eau pour 2015. Sur les six prochaines annĂ©es, l’agence vise la reconstitution de 100 000 hectares de zones humides, le rĂ©tablissement de la continuitĂ© Ă©cologique sur 600 ouvrages (barrages, seuils) et la restauration morphologique de cours d’eau sur 100 km.
Un programme « créateur de valeur »
L’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse accordera 3,65 milliards d’euros de soutiens aux collectivités, agriculteurs et industriels de 2013 à 2018, un montant en légère baisse par rapport au précédent programme (2007-2012) si l’on tient compte de l’inflation. Ces financements auront un effet levier qui permettra au total de mobiliser quelque 10 mds € sur la période. A ces investissements, correspondront 14 000 emplois directs, dont 10 000 pour les travaux publics et 2 500 pour la restauration morphologique des rivières.
L’établissement public met en avant un programme « créateur de valeur » : de la qualité de l’eau dépendent les activités de l’aquaculture et de la conchyliculture (3 000 emplois) ainsi que de la pêche (4 000 emplois). Sans compter son impact sur le tourisme, qui pèse 5 milliards de chiffre d’affaires sur le territoire. « Le département de l’Ardèche vit de l’image de l’eau pure, rappelle Martin Guespereau. Une image bien réelle : l’Ardèche contribue à dépolluer le Rhône. »
Cet article est en relation avec les dossiers
- Comment réconcilier ville et agriculture : booster les circuits courts
- La gestion de l'eau et ses méandres
- Pourquoi et comment les collectivités doivent lutter contre les nitrates ?
Thèmes abordés
Régions








