Linky est conçu « essentiellement dans l’intérêt du gestionnaire de réseau et des fournisseurs d’énergie, et bien peu dans celui des consommateurs, en dépit des promesses ».
Le ton est donné : UFC-Que Choisir a décidé de saisir le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté du 4 janvier 2012. Parce qu’elle considère que ce texte, « cousu main » pour Linky, n’est pas « respectueux des intérêts des consommateurs, censés être les principaux bénéficiaires des compteurs intelligents ».
Car il souffre de « carences majeures ».
Les économies d’énergie n’ont pas été évaluées – Tout d’abord, le ministre de l’Energie a décidé sa généralisation à l’ensemble du territoire, soit le déploiement de 35 millions de compteurs à partir de l’an prochain, alors que « les objectifs assignés aux expérimentations en Touraine et à Lyon n’ont pas été atteints ».
L’UFC déplore en particulier que l’impact sur la maîtrise de la demande énergétique, raison d’être de cet outil, n’ait « pas été évalué » ! Elle regrette aussi et surtout que « l’affichage déporté », c’est-à-dire la présence au domicile même de l’abonné d’un écran lui délivrant un certain nombre d’informations, soit « le grand oublié » : il ne figure pas dans les prestations listées par l’arrêté du 4 janvier et donc fournies gratuitement à l’abonné.
A peine lancé, déjà périmé ? Elle juge ainsi que le dispositif actuel pourrait ne pas répondre aux futures exigences communautaires en matière d’efficacité énergétique, alors qu’un projet de directive, en cours de discussion entre les Etats membres, la Commission européenne et le Parlement européen, demande explicitement aux Etats de « veiller à ce que les objectifs d’efficacité énergétique et les avantages pour le client final soient pleinement pris en compte au moment de définir les fonctionnalités minimales des compteurs et les obligations imposées aux acteurs du marché ».
L’intérêt général relégué – En somme, UFC-Que Choisir estime qu’il faut revoir la copie Linky, car ses promoteurs ont écarté l’intérêt général au profit d’intérêts mercantiles : les gains de productivité que le gestionnaire de réseau de distribution va lui-même pouvoir réaliser et la multiplication des propositions tarifaires offerte sur un plateau aux fournisseurs.
Des arguments similaires à ceux développés en mars 2012 par le Médiateur national de l’énergie dans son rapport d’activité annuel. Il y « regrettait » que « cet outil, paré sur le papier de toutes les vertus, ait davantage été pensé pour les fournisseurs et le distributeur que pour les consommateurs ».
Maniant l’ironie, l’autorité administrative indépendante avait ainsi qualifié Linky de « compteur semi-communicant »…
Un projet majeur en sursis ? En donnant raison à UFC-Que Choisir, le Conseil d’Etat retarderait un projet considéré comme majeur notamment par le gouvernement, la filiale d’EDF, les professionnels gravitant dans le secteur des réseaux intelligents et les fournisseurs d’électricité.
Outre les bénéfices en termes de maîtrise de la consommation d’électricité, les uns invoquent la perspective de vendre à l’étranger l’expertise française dans la conception de compteurs intelligents.
Les opérateurs y voient, eux, la possibilité de proposer de nouvelles offres et donc conquérir des clients, lesquels, assurent-ils, profiteraient pleinement du dispositif en réduisant leur facture.
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