Existe-t-il un décalage entre le ressenti des agents et la progression effective de leur pouvoir d’achat ?
Oui. La principale raison de ce décalage tient au changement de nos modes de vie. Les hausses de salaires, ces dernières décennies, n’ont pas compensé les nouveaux modes de consommation. Elles n’absorbent plus les nouveautés technologiques.
Les fonctionnaires, comme les salariés du privé, nourrissent le sentiment que les statistiques sur l’évolution des revenus sont fausses. Elles ne le sont pas tant que ça. Les gens ont l’impression d’être moins bien payés alors qu’ils peuvent surtout moins bien consommer.
Chacun doit donc opérer des choix qui n’étaient pas exigés de lui auparavant. C’est cela qui procure le sentiment de déclassement.
D’autres phénomènes expliquent-ils ce sentiment de déclassement ?
Oui, l’éclatement de la masse salariale, entre les petits et les très gros revenus. En 1998, les 10 % les moins riches de la population avaient un revenu de 7 100 euros par an et par personne, en moyenne. En 2008, hors inflation, ce chiffre avait augmenté de 13,7 %, soit 970 euros de plus.
Pour les 10 % les plus riches, ce même indicateur a progressé de 27,3 %, c’est-à-dire 11 530 euros en plus. Et les 0,01 % les plus riches, eux, ont gagné 360 000 euros de plus !
Pour les revenus moyens, entre 1 200 et 1 500 euros, tranche dans laquelle se situent la majorité des fonctionnaires territoriaux, cette augmentation n’a été que de 100 euros !
Le sentiment d’injustice lié à l’écart des salaires est aussi perceptible dans la territoriale. Par exemple entre un agent de catégorie C et un membre de cabinet. Sans compter les bénéfices liés à la fonction.
Ce que ne supportent pas les Français réside, d’ailleurs, dans les avantages hors salaires. A quel niveau placer l’écart légitime, du point de vue moral et non économique, des salaires ? De un à cinq ? De un à douze, comme le propose le Parti socialiste ? Cette question n’est pas étrangère à la perte de sens ressentie dans le monde du travail.
Quelles sont les spécificités de cette perte de sens ?
Dans un contexte de crise et de sentiment de stagnation des salaires, certains optent pour la fonction publique dans une logique d’emploi protégé et non pas pour servir l’intérêt général.
La réflexion à l’oeuvre dans les pays nordiques est, à ce titre, intéressante : pour l’équivalent des agents des collectivités, les pouvoirs publics envisagent de privilégier les personnes en deuxième partie de carrière, en reculant l’âge d’accession aux concours.
De façon contradictoire, les salariés sont désireux de mobilité et de protection. Des idées doivent donc surgir, comme l’émergence d’une caisse unique de retraite permettant véritablement des phases très différentes de carrière.
Cet article fait partie du Dossier
Rémunération des fonctionnaires : ce que disent les chiffres
Sommaire du dossier
- Rémunération des fonctionnaires : ce que disent les chiffres
- Evolution des rémunérations : croisons nos analyses
- Le point d’indice est-il un élément déterminant de la rémunération ?
- Le pouvoir d’achat : +10 % ou – 10 % ?
- Le tassement des grilles indiciaires
- « Le déclassement, un sentiment surtout lié aux nouveaux modes de vie »
- Peut-on encore rendre la FPT attractive ? – Refonte des grilles : priorité aux agents de catégorie C
- Peut-on encore rendre la FPT attractive ? – La délicate réforme des régimes indemnitaires
- Peut-on encore rendre la FPT attractive ? – « Un débat qui n’est pas nouveau »
Thèmes abordés