Dix ans après les lois Maptam (2014) et NOTRe (2015), la mission d’information sénatoriale conduite par les sénateurs Jean-Marie Mizzon (UC, Moselle) et Maryse Carrère (RDSE, Hautes-Pyrénées), tire un « bilan en demi-teinte » de l’intercommunalité. Lors d’une conférence de presse, ce jeudi 25 septembre, ils ont appelé à renouer avec « l’esprit partenarial » et à privilégier la souplesse et la confiance plutôt qu’un nouveau « big bang territorial ».
Un constat nuancé
« L’objectif n’est pas d’instruire un procès à charge contre l’intercommunalité mais d’identifier les freins de la construction intercommunale », prévient Jean-Marie Mizzon. Pour le président de la mission, le constat est nuancé : l’intercommunalité a permis de porter des projets structurants, mais « crée aussi un sentiment de dépossession chez certains maires vis-à-vis de leur intercommunalité, particulièrement dans les petites communes ».
Le point noir, selon eux, provient des multiples « mariages forcés » et transferts obligatoires qui ont laissé des traces. « En rendant obligatoire l’adhésion à un EPCI, des tensions perdurent encore aujourd’hui », insiste la rapporteure, Maryse Carrère. Pour de nombreux maires, ces restructurations ont engendré une perte d’influence et un éloignement des centres de décision. « Les élus ont le sentiment d’être relégués au rang de simples observateurs, avec des marges de manœuvre qui se réduisent comme peau de chagrin », souligne le rapport.
Toutefois, le rapport reconnaît l’intercommunalité comme un « outil indispensable » de mutualisation, tout en soulignant une forte hétérogénéité selon les territoires, en ciblant spécifiquement les grandes intercommunalités dites « XXL » jugées trop éloignées des élus et des habitants. « Ce qui est essentiel, c’est la personnalité du président de l’intercommunalité », résume Jean-Marie Mizzon. Pour la rapporteure Maryse Carrère, « le bilan est globalement positif mais il reste des problèmes de gouvernance ».
Des souplesses nécessaires sur la gouvernance
Pour les corriger, la mission d’information insiste sur l’importance de mieux associer les élus municipaux au fonctionnement de l’intercommunalité et à la nécessité d’assouplir la répartition des compétences entre communes et intercommunalités.
Concrètement, cela passe par un assouplissement des règles de transfert des compétences, souvent trop rigides. « Il faut arrêter les modifications autoritaires, il faut que ce soit choisi. Et il faut mieux tenir compte des bassins de vie », insiste Maryse Carrère. Les sénateurs plaident également pour une revalorisation du rôle des maires au sein des intercommunalités, en particulier à travers la conférence des maires, qui pourrait devenir un véritable espace de dialogue, doté de la capacité à adopter des motions d’alerte.
Le rapport s’attaque aussi à la question financière, jugée trop souvent opaque. « Les attributions de compensation sont trop souvent décorrélées des charges transférées », regrette la rapporteure. Les sénateurs proposent donc de faciliter leur révision et de renforcer les instruments de solidarité, comme la dotation de solidarité communautaire ou le FPIC.
Le chantier des mutualisations doit lui aussi se poursuivre d’après les sénateurs, notamment pour les fonctions support. « Le développement des services communs est un exemple concret d’efficacité intercommunale », rappelle Maryse Carrère.
Pas de « big bang » mais de la stabilité
Mais à court terme, les sénateurs jugent irréaliste toute réforme profonde. « À six mois des municipales, il est illusoire de croire que l’on pourra rebattre les cartes », note celle qui est aussi la présidente du groupe RDSE. Au moment où le Premier ministre, Sébastien Lecornu, parle d’un « nouvel grand acte de décentralisation », les sénateurs appellent à la prudence. « Je ne suis pas certaine qu’un nouveau big bang territorial soit souhaitable. Les élus locaux réclament surtout de la stabilité. Il faudrait plutôt clarifier certaines compétences et développer davantage la différenciation », avertit la rapporteure.
Le rapport sénatorial assume sa modestie : pas de remise à plat des périmètres et des compétences, mais des pistes d’amélioration concrètes pour rétablir la confiance entre communes et intercommunalités. A l’exception de certaines mesures législatives financières qui pourraient trouver leur place grâce à des amendements dans le projet de loi de finances ou un projet de loi sur la décentralisation, les sénateurs ont préféré miser sur l’incitation et la boîte à outils.
« L’intercommunalité est encore jeune, elle n’a pas atteint le stade de la maturité », reconnaît Maryse Carrère. Mais elle a déjà prouvé, dit-elle, « qu’elle permet davantage d’investissement public local et plus d’efficacité qu’à l’échelle communale ».
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