Habitué des plateaux télé, le médiatique maire de Béziers fait parler de lui ces derniers jours au sujet d’une affaire qui remonte à 2023 et pour laquelle il est convoqué devant la justice le 18 février. Robert Ménard avait en effet refusé de célébrer le mariage d’un couple dont le futur époux était en situation irrégulière, placé sous Obligation de quitter le territoire français (OQTF).
« On m’a demandé de marier une personne défavorablement connue des services de police, qui en plus, n’a pas le droit d’être en France. J’ai dit non, explique l’élu. Je suis officier d’état civil, c’est mon rôle de marier les gens. Mais je suis aussi officier de police judiciaire et je me dois d’assurer la sécurité des habitants. »
Pour rappel, il est légal de se marier avec une personne en situation irrégulière en vertu de l’article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen (CEDH), dont la France est signataire. Pour n’avoir pas respecté la loi, Robert Ménard encourt 5 ans de prison, 75 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité. « Je pense que cela a de quoi dissuader de nombreux maires », estime-t-il. Sur ce sujet, le tribunal d’Avesnes-sur-Helpe a récemment donné raison au maire d’Hautmont (Nord).
Deux propositions de loi
Plusieurs élus ont apporté leur soutien au maire de Béziers, comme Xavier Bertrand, président du Conseil régional des Hauts-de-France et David Lisnard, maire de Cannes. Le président de l’Association des maires de France défend par ailleurs un texte déposé en juillet 2023, redéposé le 11 février par la députée des Alpes-Maritimes Alexandra Martin (Droite Républicaine) qui vise à interdire le mariage de ressortissants étrangers soumis à une OQTF. L’un des objectifs affichés est de « protéger les maires de sanctions pénales ».
Cette convocation devant la justice du maire de Béziers trouve un écho tout particulier puisque deux jours plus tard, le 20 février, une proposition de loi déposée par le sénateur centriste de la Somme Stéphane Demilly visant à interdire le mariage lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire, sera discutée en séance publique. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a soutenu publiquement un texte « de bon sens ». Affirmant comprendre « l’incompréhension des maires de France », il souhaite que « le maire ne soit plus pris en otage de mariage gris ».
A noter que pour lutter contre les mariages de complaisance, l’administration française a renforcé les contrôles en permettant aux maires d’effectuer un signalement au procureur en lui transmettant la demande de mariage si des doutes émergent sur la sincérité de l’union. Par ailleurs, une enquête peut être menée pour vérifier que le mariage n’est pas conclu uniquement à des fins de régularisation.
Texte inconstitutionnel
En l’état, le texte présenté au Sénat s’avère inconstitutionnel comme l’a souligné la commission des lois: « La commission a considéré que le texte, dont elle partage les objectifs, contrevient à une jurisprudence constitutionnelle réitérée qui ne permet pas, sans qu’une marge d’interprétation ne soit autorisée, de conditionner la célébration d’un mariage à la régularité du séjour en France des futurs époux ».
Le Conseil constitutionnel a en effet garanti dans la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 le respect de la liberté du mariage, « composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 ». Il s’opposait donc « à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé ».
Outre l’inconstitutionnalité, les associations de défense dénoncent une mesure qui va à l’encontre de l’intégration. « Sous la pression de la droite et de l’opinion, on continue à déroger au droit, comme on le fait avec le droit maritime ou le droit au logement. Mais derrière ces attaques, il y a de vraies personnes qui subissent cette réalité et cette violence, relève Yann Monzi, co-fondateur et délégué général d’Utopia56. C’est un sujet qui, même s’il mérite d’être traité, permet de ne pas traiter les autres problèmes. » L’association affirme avoir eu peu de remontée de cas de maires ayant refusé de célébrer de telles unions.
Le texte doit être discuté en séance publique au Sénat le 20 février.
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